Des Artistes en voies de disparition.
Pourquoi sont il pourchassées ?
Leurs vies.
Découvrez ses Saltimbanques de la rue qui vivents pour leurs Liberté et leurs ARTS.
Recherches par,
L´Automate
Gilbert Liberman-Jakubczyk
né le 31 07 1952
Artiste de rue, depuis 1967
email: streetact@aol.com
Web: http://www.saltimbanque.de/
2400 avant J.C.
A Cnossos en Grèce,
L´on a retrouvé une fresque dans une grotte, qui représente un acrobate sautant par dessus
un taureau.
« Ah ! les braves comédiens des places publiques, gais chevaliers errants de la misère,
grimaciers de génie que vous luttez vaillamment contre le sort !
faut-il s’étonner qu’on découvre parmi vous des types si marqués,
des figures si expressives et si originales ?
Ce n’est pas sur les bancs des conservatoires et des académies
que se forment ses vigoureuses nature d’artistes.
Elles sortent des entrailles de la populace. »
VICTOR FOURNEL
Les « Saltimbanques » ont-ils une origine ?
De l’Italien salto in Banco, sauter sur un banc, 1560.
Ne sont-ils pas plutôt des hommes qui ont puisé dans leurs propres ressources,
ce qu’ils pouvaient exploiter pour gagner leur renommée et leur pain quotidien.
Avant le moyen – age.
Depuis l’Antiquité, des hommes divertissent la population. Ils s’entourent de très peu d’accessoires mais leur don d’attirer le regard fait parti de leurs atouts principaux.
Ils jouent sur l’apesanteur, les éléments naturels ou leur propre corps. Ils s’entraînent à des numéros que le profane n’ose tenter.
En Occident, lors des grandes fêtes orgiaques données en l’honneur de Dyonosos pour les romains et de Bacchus pour les grecs, ils président aux grandes parades et invitent la population au rire et à la détente. Des hommes transforment leur physionomie, d’autres se contorsionnent et se plantent des clous dans la tête, certains avalent le feu. Qui sont-ils ?
Les spécialistes du cirque ont retrouvé les traces de ces enfants de la balle à travers de nombreuses fresques, peintures rupestres ou sur des ornements d’objets de la vie quotidienne, vase ou amphore…. Mais de ces études aucune trace généalogique de ces personnages ne nous est révélée. A Cnossos, 2400 ans av. J.C. une peinture rupestre représente des jeunes athlètes se livrant à des exercices d’acrobatie sur un taureau.
Ces numéros courts, visuels ne tiennent pas un public des heures comme le fait la tragédie grecque ou les jeux du cirque, ils servent souvent d’intermède entre deux actes.(les danseurs de corde existeraient depuis 1345 av. J.C.)
Comme actuellement sur nos places publiques, nous retrouvons également des vagabonds réjouissants la population des milles facéties de leurs tours sur l’Agora (place publique où le monde commerçant, financier, religieux se côtoie). A Rome, Ventilator fut le premier jongleur à jouer avec des coupes et des amphores d’airain, et escamoter par ses doigts agiles des billes d’ivoire plus grosses que des noix.
On suppose que les acrobates ont été engagés pour la construction des pyramides égyptiennes.
En Orient, particulièrement en Inde, ces métiers sont pratiqués par des gens d’une même caste. La transmission se fait de père en fils. Les acrobates, portent une longue écharpe rouge flottante signe de leur profession. Un bas relief provenant de Baârhout datant du 2ème siècle av. J.C. représente 14 acrobates montés en pyramide.
Depuis 391, après une peste dévastatrice les consuls de Rome firent venir d’Etrurie (ancienne Toscane) une troupe pratiquant ces divers métiers pour procurer un spectacle nouveau et plus gai que les jeux du cirque, on les prénomma histrions. Dans le dialecte usité en Etrurie un bouffon se nommait hister. Histrion devint le terme général de tous ces amuseurs publics.
Ces hommes sont à l’époque les messagers des Dieux et des hommes. Des Dieux, parce qu’ils se surpassent eux-mêmes dans la pratique de leur numéro, des hommes parce qu’ils sont nomades et colportent de contrées en contrées les nouvelles des guerres, des invasions, des naissances, des décès…. Ce sont les «gazettes » de nos temps modernes.
Plus tard les épidémies et les invasions barbares laissèrent de côté le désir de rire et de s’émerveiller. Mais comme disait l’Egyptien Palladas « la vie n’est que théâtre et jeu », plus tard un moine le transforma en « tout le monde joue la comédie, le monde est un histrion ».
Le Moyen - Age
Au Moyen - Age, d’abord sur le littoral méditerranéen, se développa un nouvel art de vivre et de se courtiser. Des hommes inventèrent la poésie et l’amour courtois, ils se nommèrent «troubadours» en langue d’oc et «trouvères» en langue d’ oil. Grands voyageurs, souvent de haute lignée, ils fréquentent les cours d’Europe. Certains composent seulement et font appel à des jongleurs pour jouer et chanter leurs vers. Ces derniers servent en même temps de messager à la «dame» pour qui ces vers sont destinés. Nouveaux métiers pour nos jongleurs que sont nos histrions de l’antiquité. La langue populaire plus prompte aux changements, leur a trouvé un nom plus en rapport avec leur personnage : joglar «jouer, faire rire ». Ce nom englobe les musiciens, les chanteurs de poésies, les montreurs d’animaux, les lanceurs de couteaux….et ne définit pas seulement celui qui a l’art de lancer et de maintenir en l’air plusieurs objets en mouvement. Cette grande famille travaille en « palc » (numéros de saltimbanques sur un tapis à même le sol), sur les places publiques, dans les châteaux ou sur les grandes foires de l’époque.
C’est au moyen - âge que le berceau de l’art poétique, littéraire, théâtral, prendra sa véritable source et s’imposera plus tard comme un art académique. A cette époque celui qui n’est pas paysan ou seigneur ne dépend de personne et il lui faut trouver moyen de subsistance et place dans la société. Il le peut car la noblesse aristocratique divise son temps entre loisirs, guerres, croisades. Un nouvel ordre naît dans la chrétienté occidentale : « la chevalerie ». Avec elle l’organisation de tournois et de cérémonies. Lors de ces festivités, place est faite aux amuseurs publics, entre les joutes organisés en l’honneur des dames et les festins. Les seigneurs et même le roi de France se déplacent régulièrement dans leurs nombreuses résidences. L’art de recevoir fait leur renommée. Les clercs dans leurs abbayes aiment aussi accueillir les jongleurs et se distraire de leur numéro.
Lors des croisades, les chevaliers engagent des jongleurs pour les divertir lors de leurs longs trajets. Mais il y a eu aussi des saltimbanques d’origine Turc, Egyptienne, Arménienne qui vinrent s’exhiber sur les foires occidentales. Personnage sans origine, venant d’ici ou de là-bas, il reste bien présent dans l’imagerie populaire. Au cours d’un voyage en orient, on ramena le premier jeu de tarot (entre 1095-1270). Dans ce jeu la première figure représente un bateleur.
L’occident chrétien a une expansion rapide et spectaculaire. Les villes sont de vaste chantier, l’église, les rois et les grands seigneurs marquent leur passage en construisant des monuments grandioses et les foires sont la représentation en miniature de cette société. Les nobles font leurs emplettes, les paysans vendent leurs produits et se distraient des journées répétitives et sans nouveauté. Les jongleurs sont rois. En France les plus grandes foires se déroulaient en champagne où le duc était lui-même trouvère. Ainsi les saltimbanques établirent leur carnet de voyage en fonction des dates des différentes foires.
Une autre manifestation fit tomber quelques écus dans leur escarcelle. La société, de culture orale et l’église, pour éduquer le peuple à la bible, monta des pièces et les nomma les mystères et passions. D’abord jouée à l’intérieur des églises par des clercs comédiens, la scène se déplaça sur le parvis. Pour éviter que la population ne s’éclipse à l’arrivée d’un jongleur ou d’un montreur d’animaux, ils inclurent ces derniers dans leurs spectacles.
L’essor des villes, la transmission orale, les déplacements des grands du royaume et l’arrivée de marchands d’orient, contribuèrent à l’essor de ces métiers artistiques, mais selon les rois et l’austérité de l’église, des amendements s’érigèrent contre eux. Un roi faible ou trop directif ne pouvait tolérer ces gens inclassables, sans attache, qui colportaient les nouvelles, amassaient la population autour d’eux, et trouvaient parfois asile chez les gueux et les mendiants.
Conrad, chantre de l’église de Zurich, vers l’an 1275 : « Comme des vautours sur des cadavres, comme des mouches sur une liqueur sucrée, on voit convoler à la cour des princes, pauvres, aveugles, bancroches, jongleurs, danseurs, musiciens et prostituées. Ils sont comme bien d’autres, pareil à des sangsues, qui ne lâcheront pas la peau avant d’être gorgées de sang. »
St Louis par contre, sous la promesse de se conduire loyalement, donna quelques privilèges aux trouvères, entre autres, celui de payer le droit de péage aux portes de Paris en chantant au gardien une de leurs petites chansonnettes. Il étendit cette faveur à leurs amis et camarades jongleurs, montreurs de singe et autres bateleurs qui s’acquittaient en égayant le portier par un tour de leur gibecière : d’où le proverbe payer en «monnaie de singe».
Cet accord parut dans le livre des métiers que St Louis fit mander à Etienne Boileau . Ce livre permit d’établir les droits et les devoirs des différents métiers et ainsi naquit les corporations.
Il y eu donc la corporation des ménétriers.
« une ménestrandie bien composée, dit M. Victor Fournel, avait ses poètes, ses musiciens et chanteurs, ses farceurs et saltimbanques. Les plaisirs des spectateurs étaient ainsi des plus variés et après avoir entendu une chanson de geste et un concert de harpe, il se reposait en contemplant les grimaces du jongleur et les gentillesses du chien savant. »
Une rue dans Paris se nomma la rue des ménétriers (actuelle rue Rambuteau). Mais cette organisation est véritablement aux services des élites qui les emploient et comme toutes les corporations de métier de l’époque, il faut composer un chef d’œuvre pour rentrer dans la ménestrandie de la ville. Ainsi les étrangers et les artistes de passage se voient exclus et interdits de travailler dans ces villes. Les individus empreint de liberté et qui travaillent selon les aléas de leur déambulation, n’y trouvent pas leur place. C’est le début de la hiérarchisation dans l’art. Et celui qu’on appelait peuple du voyage, ne se soumettait pas aux lois des sédentaires. Bien souvent par la suite, on les associa aux gitans qui apparurent en Occident vers l’an 1400.
Caractère insaisissable, bagarreur, joyeux lurons, ils n’étaient pas les derniers à dépenser leur recette dans les tavernes et terminer la nuit dans des lieux de débauches. Sans famille pour la plupart, ils retrouvaient parmi la pègre une famille, comme eux hors la loi.
Il y eut des ordonnances très sévères contre eux comme celle de 1543 qui défendait à tous bateleurs, jongleurs et autres semblables de jouer en cette ville de Paris ou sonner le tambourin, quelque jour que ce soit, sous peine de fouet et bannissement de ce royaume.
A la sortie du Moyen- âge, la société change mais les saltimbanques immuables sont toujours là.
Après le Moyen - Age
Sous Henri IV, avec l’achèvement du Pont Neuf, on retrouve des figures populaires dont les noms sont encore dans les mémoires. «Brioché» et son fameux théâtre de marionnettes, dont le singe se fit embrocher par Cyrano de Bergerac lors d’une bagarre. Le fameux Tabarin et son chapeau à transformations et bien d’autres encore, qui firent la joie des badauds de l’époque. Le parlement les chassa du Pont Neuf, et ils retournèrent dans les foires.
Il y aura désormais deux mondes d’artistes ambulants, celui des artistes spécialisés dans l’art des représentations théâtrales et celui des enfants de la balle (sauteurs, danseurs, montreurs d’animaux.), désigné maintenant sous le nom de bateleur. Petit à petit les comédiens trouvent des lieux fermés pour exercer leur art comme l’hôtel de Bourgogne et le fossé se creuse entre les artistes de culture écrite et ceux de culture orale. Ces comédiens vont rejeter les bateleurs jusqu’à les empêcher de faire des scénettes parlées dans les spectacles de foire. Avec l’avènement de Molière qui pourtant s’enrichira de leur franc parler, la création de la comédie française scinda ces deux mondes définitivement.
L’arrivée des troupes italiennes et la Comédia dell’arte redénamisa le métier et les bateleurs devinrent saltimbanques. Nos saltimbanques se placèrent à l’entrée des théâtres et, de plus en plus nombreux, firent la parade.
En 1768, un événement viendra encore bouleverser le monde des artistes ambulants, Philip Astley en Angleterre réinvente les cirques de la décadence romaine.
Au début le spectacle présente essentiellement des jeux équestres issus des tournois militaires mais très vite s’y ajoute sauteurs, acrobates, danseurs de corde. Les Saltimbanques cherchant une certaine sécurité, leur permettant de rester dans le monde du voyage, s’établissent dans les cirques, créent des familles et les premières générations de banquistes voient le jour. Plus tard ils se distingueront totalement des saltimbanques en revendiquant leur généalogie et leur plus grande connaissance du métier.
Mais l’histoire écrite viendra remédier à ce manque : on en fera des héros populaires (les célébrités de la rue), des héros de roman (Sans famille de «Hector Malot», l’homme qui rit, Notre Dame de Paris de «Victor Hugo»), toujours seuls, sans famille mais pas voleurs, ils trouvent dans ces métiers d’aventure, leur moyen de subsistance.
Au 19ème siècle des lois viennent réglementer le pavé parisien. Paris est sous le contrôle d’une préfecture de police notamment en ce qui concerne la réglementation du vagabondage, de la mendicité et de la surveillance des lieux publics. On attribue donc à toutes les personnes qui ont des métiers ambulants une médaille de laiton gravée du nom et de la profession du porteur. Cette médaille leur donne droit d’exercer dans la rue. Mais au cours du siècle, la délivrance de ces permis est de plus en plus difficile à obtenir. En 1926, on délivre des autorisations uniquement à l’occasion de fêtes foraines et publiques.
Aujourd’hui, les saltimbanques existent toujours, les autorités parisiennes les pourchassent pour attroupement sur la voie publique, ils passent en jugement. En province, les mairies accordent encore des droits d’exercer dans la rue à certaines heures et sous une durée déterminée. Certaines villes interdisent tous voyageurs ambulants de rester.
Et pourtant ce métier continue d’exister, culture orale, culture de la rue, il maintient la tradition de la société non savante.
Déplacé du moyen- âge au 20 ème siècle, ils sont immuables et interchangeables. Leur base est la rue et leur origine vient du peuple. Le héros populaire sans patronyme marque le spectateur. Il oublie ses soucis pendant un bref instant, il n’a pas calculé ni prévu cet arrêt improvisé. A l’inverse d’un spectacle en salle où le spectateur achète son billet, choisit ce qu’il veut voir.
Les saltimbanques nourrissent encore la mémoire populaire orale. On ne peut parler du saltimbanque sans faire référence à l’ambiance générale de la société où il aura grandi. La misère, l’instabilité sociale, familiale, la révolte politique, tous ces événements créent le saltimbanque.
L´ Historiques
Histrion : antiquité romaine. Acteur, comédien et particulièrement pantomime par dénigrement baladin, bateleur, mauvais comédien. Comédien en générale.
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A l’origine, le bateleur exécutait des tours à l’aide d’un bâton ou d’une baguette.
Le Batoniste : Collection Gilbert
La tradition des bateleurs est très ancienne. Au début de notre civilisation, les hommes pratiquaient perpétuellement des hommages aux dieux et déesses qui leur permettaient d’exister. Ceux qui jonglaient, jouaient avec le feu, les instruments tranchants, les grimages, les instruments devaient s’associer aux rituels, et être considérer comme des messagers des dieux , connaissant certains secrets de la nature.
En Chaldée, en Egypte, en Chine, au Japon, on retrouve ces colporteurs du merveilleux, inspirant comme en se jouant aux peuples grossiers qu’ils traversent le frisson de l’au-delà et le respect craintif de l’inconnu. Au Japon, ils exhibent une chapelle portative, vendent des rosaires, des talismans, des recettes médicales ; en Chine, ils courent le pays en montrant des tigres, disent la bonne aventure et vendent des philtres, des secrets, et jusqu’à du vent.
La Grèce et Rome les ont vus : les joueurs de gobelets, les jongleurs, les devins, les astrologues, les hercules, les danseurs de corde, les promeneurs de chèvres savantes, d’éléphants et de chameaux, les acrobates, les marchands d’anneaux contre la morsure des bêtes venimeuses portaient le nom significatif de circulatoires ou de circumforanei, et ces forains étaient pour la plupart des Arabes, des Chaldéens, des Egyptiens, des Juifs. On ne distinguait guère d’eux les agyrtes, prêtres mendiants qui s’étaient infiltrés dans le monde hellénique, puis avaient pénétré dans le monde romain avec les dieux de l’orient, accueillis partout par la crédulité publique et une sorte de terreur religieuse, méprisés pourtant à cause de leurs pratiques et de leurs mœurs dissolues. Ils conduisaient avec eux des bêtes féroces apprivoisées, dansaient au son des flûtes, des tambours et des cymbales, distribuaient des présages sous forme de sentences écrites sur des tablettes, tirées d’une urne par un jeune garçon ou des secrets pour guérir, et ne négligeaient jamais de faire la collecte.
A Rome, des Syriennes et des Gaditanes, par leurs danses mystiques et leurs costumes étranges, attiraient les passants aux abords du cirque, où toutes sortes de spectacles et d’amusements sollicitaient d’ailleurs les oisifs.
Le Mexique précolombien : citons deux exemples de ces saltimbanques prestidigitateur : « Le premier se réfère au Motetequi, c’est à dire celui qui se mutile lui-même, et qui crée l’illusion de se couper les mains et les pieds. Le deuxième nous parle d’un homme qui incendiait les maisons.
Ce que l’on appelle mutilation n’avait lieu que dans la cour des seigneurs. Alors le Motetequi se coupe les mains et les met à part, puis les pieds, ailleurs il dépose les articulations ; de tout côtés il va poser (ce qu’il coupe). Puis quand il s’est mutilé, il se cache derrière une couverture rouge, et alors à nouveau, ses membres un à un croissent, repoussent, se dressent comme s’il ne s’était rien coupé. Ensuite il réapparaît.
Celui qui met le feu aux maisons :
On pouvait voir l’embrasement d’une maison : les maisons s’enflammaient, elles étaient entourées de flammes de telle sorte qu’il semblait qu’elles brûlaient réellement. C’est cela que l’on voyait et qui amusait les gens ; il faisait ce tour dans le palais et il était gratifié pour cela. On lui donnait du maïs égrené.
Il y avait également des conteurs qui allaient répéter sur les places publiques, les vieux poèmes retraçant les légendes.
On en voyait déjà chez les grecs.
La grande place publique situé entre le capitole et le mont palatin connut , comme plus anciennement Athènes, Babylone et memphis. Les réjouissants spectacles offerts par les êtres errants , autour desquels la multitude se presse. On goutait tout à la fois leur adresse à faire des tours et leurs gâité communicative .
C’est en de telles manifestations ayant précédé l’ère chrétienne qu’il faut voir les tout premiers ancêtres d’une catégorie de nos forains actuels .
L’art des funambules ou danseurs de corde , se développa chez les grecs bien avant de pénétrer sur la terre latine . Mais du jour où ils se firent connaitre leur attrait eu une vogue extraordinaire .
On raconte que vers 165 av J.C. les romains admiraient si passionnément l’agilité de ces équilibristes qu’ils en arrivaient à délaisser pour eux le theâtre .
Les romains se montaient très friands d’autres divertissements qui fuent continués ou longtemps après repris par les amuseurs en plein air .
Le funambule .
Parmi ceux - ci Ventilator fut à Rome le premier des jongleurs jouant avec des coupes et des amphores d’airain, des billes d’ivoire, plus grosses que des noix étaient de même par ses doigts agiles fort bien escamotées.
Dans le trochus cerceau parfois très petit des contorsionistes parvenaient à faire merveilleusement passer tout leur corps tordu. L’un d’eux nommé Senex s’étant composé pour cet exercice une gaine en peaux de serpents africains obtint sous cet aspect un phénomène succès.
Des animaux étaient dréssés à des travaux exceptionnels bien propres à susciter l’enthousiasme populaire, tel cet éléphant de numidie dont la trompe retirait toutes les pastèques emplissant deux énormes corbeilles pour les jeter par derrière une à une dans la caisse fixée sur son dos.
Un vase grec reproduisait un jongleur entouré d’un singe et d’un chien ascensionniste.
L’éléphant dressé, lui aussi tire ses lettres de noblesse de l’antiquité. Ch. Magnin assure que l’on vit, sous Tibère, des éléphants funambules et que, sous Néron, un éléphant descendit du faîte de l’amphithéâtre sur une corde tendue. Pline raconte que 4 éléphants funambules portaient dans une litière un de leurs compagnons qui contrefaisait la nouvelle accouchée.
Les dresseurs d’animaux faisaient partie de l’immense tribu des saltimbanques dans laquelle figuraient aussi d’autres amuseurs de la foule : sauteurs – et c’est de là que vient l’origine du nom- marionnettistes, arracheurs de dents, danseurs de corde, jongleurs, escamoteurs.
Des jeunes danseuses venues de Grèce imitatrices de celles dont avaient parlé Xenophon furent très admirées sur le forum au temps des césars.
Evoluant sur la partie supérieure d’une roue de potier tournant à toute vitesse elles trouvaient le moyen pendant ce temps d’écrire sur des tablettes et de les lancer à la foule sans perdre l’équilibre.
Et puis il y avait la célèbre lutte à lois fixes que l’on retrouvera plus tard dans toutes les contrées où le séjour des cohortes romaines laissa derrière elle un sillage si profond qu’il ne put être effacé par le temps...
...
Les Romains, bien que préférant les jeux du cirque, avaient aussi leurs bateleurs.
. A Constantinople, à la fin du 4ème siècle, L’Agora est toujours pleine de charlatans, de sorcières, de devins, d’empiriques qui proposent des remèdes contre la stérilité, de magiciens qui se livrent aux incantations, de bateleurs, de montreurs de bêtes traînant parmi la foule des lions apprivoisés, de mimes, de danseuses en robes bleues, d’acrobates, de funambules, volant comme des oiseaux, s’habillant et se déshabillant dans l’espace, de jongleurs jouant avec des épées et des coupes, d’équilibristes portant sur leur front une perche au haut de laquelle sourient deux petits enfants, de déséquilibrés faisant la roue en roulant les yeux d’une manière effrayante, rongeant le cuir des vieilles chaussures, s’enfonçant des clous dans la tête.
Les grecs, qui avaient les comédiens en grand honneur, le connaissaient ; et nous voyons dans le 6ème siècle avant J.C. , Dolon et Susarion d’Icarie l’exercer avec succès à Athènes. Les romains firent peu de cas des bateleurs, qui ne pouvaient pas être enrôlé dans les armées. Plaute, auteur, acteur et chef de troupe, comme plus tard Shakspeare et Molière, se trouva en concurrence plus d’une fois avec les gladiateurs, des entrepreneurs de combat d’animaux et des bateleurs. Les gaulois n’avaient pas de théâtre ; seulement ils se livraient à des exercices publics et à des jeux souvent meurtriers, où l’adresse entrait toujours en première ligne. Un de ces jeux , qu’ils appelaient le jeu du pendu, consistait à suspendre celui que le hasard désignait à un arbre, à l’aide d’une corde qu’on lui passait autour du cou. On lui mettait à la main une épée dont le tranchant était bien affilée ; il devait couper la corde au risque de se faire étranglé s’y il n’y arrivait pas. Ce spectacle provoquait la gaieté et les plaisanteries de nos rudes ancêtres. Devenue romaine la gaule emprunta à ses vainqueurs leurs divertissements et leurs spectacles ;
ce furent d’abord des jeux grossiers et en rapport avec l’état des mœurs, dit un écrivain anonyme ; des courses de cirque, des représentations scéniques d’une gaieté licencieuse, et dans lesquelles les histrions se laissaient aller à des paroles et à des gestes obscènes. Mais à mesure que la civilisation romaine pénétra dans les gaules, les mœurs s’adoucirent, le goût s’épura, et le théâtre dut se régler sur celui de Rome. C’est ce que prouve l’existence incontestable sur tous les points de la gaule, d’un grand nombre de monuments destinés aux représentations dramatiques. Les invasions des barbares, la ruine des villes gauloises, la destruction des monuments qu’elles renfermaient, amenèrent la cessation momentanée des spectacles ; mais après l’entière soumission du pays, quelques rois mérovingiens firent encore célébrer des jeux du cirque. Contentons nous de citer les jeux donnés par Childebert 1er, à Arles et par Chilpéric 1er, à Paris et à Soissons en 587 ; ce dernier avait même dans son admiration pour la civilisation romaine, fait construire des cirques dans ces deux villes. Cependant les jeux romains finirent par disparaître entièrement. Alors les histrions et les bateleurs prirent leurs places. »
En 391 de la fondation de Rome, une horrible peste vint désoler cette ville.
Pour effacer autant que possible l’impression lugubre que cette calamité laissait dans les esprits, les consuls en exercice résolurent de procurer au peuple un spectacle plus nouveau, et surtout plus gai que les jeux accoutumés du cirque, alors l’unique amusement de la grande cité, et, dans ce but , ils firent venir d’Etrurie une troupe de baladins, de mimes et de danseurs forts habiles et forts renommés. Arrivés à Rome pour y donner des représentations, ces artistes s’y établirent bientôt d’une façon permanente ; et comme dit-on, dans le dialecte usité en Etrurie, un bouffon se nommait hister, les romains en firent histrio, et le mot passa dans la langue.
Une fois établie à Rome, les histrions firent des élèves. Bientôt , et peu à peu ces grotesques devinrent des acteurs parlants, qui tout d’abord ne firent que débiter de mauvais vers improvisés et intercalés par eux au milieu de leurs danses. Progressivement ils en arrivèrent à jouer de petites pièces nommées satires. Ces pièces étaient accompagnées de musique composée pour elles et qu'on exécutait sur des flûtes. Le théâtre romain ne vécut pas d’autre chose jusqu’en l’an 514, époque à laquelle le poète Livius Andronicus fit , le premier représenté des pièces régulières. Les histrions furent abandonnés, leur règne était passé.
L’idée exprimée par Palladas, egyptien et païen, partagée par beaucoup d’hommes de son temps, est que la vie n’est que théâtre et jeu.
La Gaule, devenue romaine, emprunta à ses vainqueurs tous les genres de divertissement.
A partir du bas Moyen Age , les banquistes (comédiens, bateleurs), les banquiers (changeurs de monnaie) et les marchands forains se côtoient sur les champs de foire. Ils y entretiennent la fête marchande. Le banc c’est à dire les tréteaux, constituent leur instrument de base commun.
Les premières foires de France prirent naissance au début de notre histoire. Le droit d’organiser des grands marchés publics était alors une sorte de privilège accordé par les princes aux habitants d’une commune, en récompense de leurs bons services .On y faisait la vente ou l’échange de marchandises très variées. Et ce qui surtout composait l’attrait de ces énormes rendez-vous commerciaux et périodiques c’est que des marchands de contrées lointaines venaient y prendre part.
Ainsi dès le 6ème siècle vit-on arriver dans le midi de la gaule des arabes et des syriens pour la plupart juifs. Et ces gens se répandirent dans tout le pays qui s’étend entre le Rhône, la Loire et la seine. Le commerce étant bon le nombre des vendeurs exotiques s’accrut de siècles en siècles ; mais à la longue tout plaisir s’émousse et peu à peu l’affluence des acheteurs devint moindre. Pour raviver l’élan il fallait donc trouver du nouveau. Une possibilité d’en avoir s’ offrait , en faisant appels aux ménestrels . D’autant que pour ces artistes la vie n’était pas toujours rose .Les castels et les manoirs et le pont Levis ne se baissait pas toujours pour eux .
Ces troubadours et ces trouvères continuaient à leur manière pittoresque la tradition des aèdes primitifs , le luth ayant été remplacé par la viole et le rebec. Lorsqu’il arrivait à l’un d’eux de prendre pour compagnon de route quelque jongleur expert à des jeux d’adresse, les deux éléments de ce couple se complétaient le plus agréablement du monde .
Participer à ces foires étaient pour eux la consécration populaire . On s’organisa certains jongleurs et baladins construisirent des estrades de planches sur lesquelles ils prirent place , tandis qu’en bas un comparse récoltait l’obole du plaisir offert. ( on sut bien vite que pour ce petit règlement honnête, il ne fallait pas attendre que le spectacle fut trop avancé afin d’éviter la fuite de trop nombreux malins ). D’autres s’enfermèrent dans des toiles de tentes , augmentant par son mystère la valeur des exercices la baraque était crée . C’est à cette époque que se développa de façon tonitruante la fête du Lendit dont la création était du au bon roi Dagobert (7ème siècle). D’essence religieuse cette fête à son origine avait eu pour raison « la vénération des saintes reliques et d’un morceau de la vraie croix , grand pèlerinage attirant la population de Paris dans la plaine entre St Denis et la Chapelle . Le commerce s’en est mêlé et le pélerinage du lendit devint une foire d’une semaine. Là parmi des boutiques bien achalandés où tous les corps de métiers présentaient leurs produits une bande d’acrobates sur un tapis faisait la roue et s’érigeait en chancelante pyramide. Plus loin une cloche sonnait en haut d’un mât pour attirer le badaudage ébahi autour d’un petit bossu qui prétendait manger des miettes de verres, avaler du feu et dans l’oesophage s’enfoncer jusqu’à la garde un poignard.
Richard cœur de lion, roi d’Angleterre honora les jongleurs de son amitié.(12ème siècle, 1180)
Dès les 4ème et 5ème siècles, les spectacles des histrions et des bateleurs furent en grande faveur, jusqu’au jour où l’église éleva la voix contre eux (ils la critiquaient souvent). Ils furent dès lors tellement décriés qu’ils deviennent fort rares.
Vers le 6ème siècle à l’hippodrome de Byzance , les courses duraient la journée entière : il y en avait quatre le matin et autant l’après midi ; entre les courses, c’étaient des intermèdes : danseurs qu’accompagnaient des joueurs de flûte et de psaltérion ; jongleurs ou montreurs de bête qu’on faisait parfois venir de fort loin. Aux grands jeux que donna l’empereur Nicéphore Phocas, en 963, on vit des bouffons et des acrobates arabes, des baladins venus de l’Inde et jusqu’à des danseurs scandinaves vêtus de peaux de bêtes.
Le rituel.
Au 4ème siècle considère comme indignes de la communion des fidèles qui font profession de divertir le peuple par des spectacles ; elle en interdit l’assistance aux fidèles. Le concile d’Arles (314) est catégorique à cet égard. Le canon 5 apparaît sur ce point dépourvu de toute équivoque. Le théâtre est assimilé aux jeux gladiateurs ; les acteurs tels les agitatores – cohers et écuyers de course – sont exclus de l communion. Le théâtre grec ne sera jamais visé, son caractère sacré ne saura jamais être contesté.
Depuis longtemps les mimes et les faiseurs de tours étaient en faveur. On les signale au 4ème siècle alors que le théâtre païen, loin d’avoir pu encore être aboli par le christianisme, jouit un moment d’une certaine recrudescence ; on les signale encore dans le siècle suivant, à l’heure où s’effectue, entre l’idée païenne et l’idée chrétienne, un compromis littéraire, et qu’un troisième élément arrive, qui disjoint tout à coup les deux idées et se réunit à la plus jeune pour renverser la plus ancienne. Ce terrible personnage, qui entre si tragiquement en scène ; cet acteur, dont le rôle devait être si sanglant, s’appelait tout simplement les barbares. Les nouveaux conquérants, grossiers et sauvage, s’amusèrent des farces ridicules et licencieuses des baladins et des bateleurs. L’église s’opposa vainement au scandale de ces représentations. Charlemagne n’eut guère plus de succès lorsqu’il renouvela contre les bateleurs le 96ème canon du concile d’Afrique, et que, dans son capitulaire de 789, il les plaça au nombre des personnes infâmes incapables d’être admise en témoignage. Les conciles de Mayence, Tours, Reims et de Chalon sur Saône, tenus en l’année 813, firent défense aux prélats et aux éclèsiatiques d’assister aux exercices des histrions , sous peine d’encourir une répression sévère ; ajoutons que les membres du Haut clergé, des Évèques, des abbés et même des abbesses, avaient coutume d’appeler auprès d’eux des bateleurs pour se divertir de leurs grosses facéties. Plus d’une fois même, des clercs s’étaient joints à eux pour jouer en public des farces forts peu édifiantes. Les bateleurs avaient poussé la hardiesse jusqu’à se revêtir d’habits sacerdotaux, et à mettre en action certaines aventures de couvents. Religieux et religieuses étaient peu ménagés dans ces scènes burlesques, si bien que le clergé réclama, et que Louis le Débonnaire prononça contre les auteurs de ces excès la peine du bannissement. Ces sévérités déconsidérèrent ceux qui en étaient l’objet. Les bateleurs furent tellement décriés, l’église les frappa d’une si complète réprobation, qu’ils se dispersèrent et disparurent peu à peu.
Ils disparurent presque complètement aux 9ème et 10ème siècles, décimés par la misère et les calamités publiques.
A l’avènement de Hugues Capet, on n’en trouvait plus que quelques-uns, confondus avec les mimes et les baladins, menant comme eux une vie errante et précaire.
« J’imitais les visages, les gestes et les parlers des interlocuteurs et l’on eut cru que plusieurs s’exprimaient par ma bouche (…) ; ainsi le funèbre jour a ravi avec moi tous les personnages qui vivaient en mon corps. » (Epitaphe du jongleur Vitalis, 9ème siècle)
Des bords de la mer rouge aux colonnes d’hercule ils ont envahi le monde ancien. De la Sicile, qui semble avoir été leur première patrie, ils ont gagné l’Italie : installés d’abord dans la Grande-Grèce, où on les connaît sous le nom de phlyaciens, ils ont ensuite gagné vers le nord, et venus à Rome, ils compromettent par leurs succès celui des poètes tragiques et comiques. Mimes et histrions traversent en un cortège joyeux, courtisés des empereurs, adorés du peuple, les siècles de la décadence latine. Et quand le vieux monde romain s’effondre, ils vont encore vers le nord, au devant des peuples barbares, pour les amuser à leur tour. Bien accueillis, ils fonderont une race vigoureuse et prospère, car ils sont les ancêtres authentiques des jongleurs, et ici, des aïeux aux petits-fils, nos avons tous les intermédiaires. Des plus vieux aux plus jeunes, des carrefours de l’antique Syracuse à ceux des villages de France, ils formeront une chaîne ininterrompue et qu’on suit du regard jusqu’au bout.
Ceux que, sur les places publiques ou dans les châteaux, les jongleurs entreprenaient de divertir, ne se souciaient guère de l’origine de ces vagabonds, et ils avaient oublié depuis longtemps les mimes latins. Mais les noms de minus et d’histrion demeuraient dans la langue savante, et ils étaient couramment employés par les écrivains informés, ecclésiastiques ou juristes, pour désigner les jongleurs. En 836, Agobert, archevêque de Lyon, blâme les prêtres et les gens de religion, qui au détriment des pauvres, entretiennent des amuseurs. Et les mimes sont cités là à côté des jongleurs comme des êtres de même espèce. D’ailleurs jusqu’au 9ème siècle les jongleurs étaient bien des mimes et ils portèrent longtemps ce nom dans la langue savante qui est plus conservatrice que la langue vulgaire. Le peuple leur donna une appellation nouvelle car les mimes avaient largement élargi leur répertoire . Ce n’était plus des gens qui imitaient mais des gens qui divertissaient.
C’est de très bonne heure que les mimes, avec les autre produits de la civilisation romaine, s’étaient répandus sur les territoires conquis. Dès le 5ème siècle ils sont partout. La voix inquiète et indignée des moralistes les dénonce, et c’est aux colères de leurs inflexibles juges plus qu’aux applaudissements du public que ces amis de l’ennemi doivent de vivre encore dans notre souvenir. Une très vieille hostilité, justifiée par la vanité corruptrice de tous les spectacles, anime les chrétiens contre les mimes. On entend retentir par le monde les malédictions d’Arnobe, de Minicius Félix, de Lactance, de Tertullien, de Cyprien. Puis ce sont celles de saint Jérôme et de saint Augustin. C’est à dire depuis le 5ème siècle, jusqu’à Leidrade, archevêque de Lyon en 798, et Alcuin, c’est une guerre sans pitié, que continuent les docteurs des siècles suivants. Et comme la force persuasive des Pères et des docteurs ne suffisait pas, les conciles à leur tour, conseillent aux laïques, enjoignent aux clercs, de fuir la race maudite. On n’oublie ni n’épargne les mimes ni à Agde, ni à tours, ni à Arles, ni à Reims, ni à Châlons, ni à Aix la Chapelle…. On les traque. Mais leur succès vivace nous est attesté par l’indignation des sages, par leurs craintes toujours justifiées et leurs défenses toujours nécessaire.
Nous voudrions les connaître. Nous voudrions savoir quels talents dangereux leur attiraient la haine de l’église. Des hommes de leur temps, chacun les voyant tous les jours, aucun n’a songé qu’il pût être utile de les décrire : aussi avons-nous peu de détails sur leur compte.
De toute façon ces mimes n’étaient pas seulement des gens de théâtre, et déjà depuis l’antiquité, à l’étroit dans les fonctions d’acteurs, ils s’étaient mis à des exercices variés. Ce n’est pas seulement sur les scènes qu’on les voit ; on les rencontre au coin des rues et aux carrefours ; et là, ils font des prodiges d’ingéniosité pour retenir l’attention rémunératrice du public qui badaude et qui muse. De leur adresse éphémère et de leurs chants poétiques il n’est rien resté.
Ainsi pendant la période qui précède l’âge carolingien, tous les auteurs, poètes musiciens, qu’on désigne du nom de mimes, nous sont il faut en convenir mal connus : du moins peut-on affirmer avec certitude qu’ils ont existé et qu’ils ont maintenu toujours vivante la tradition romaine. Or nous touchons au seuil du 9ème siècle, et voici que dès sont début, nous retrouvons encore des mimes, ou pour leur donner le nom qu’ils commencent à porter, des jongleurs.
A la protection puissante de Charlemagne les lettres doivent de pouvoir s’épanouir en sécurité. Le goût des choses de l’esprit renaît, tandis que des clercs s’appliquent aux travaux de copie et de grammaire, des hommes d’un génie plus mondain s’exercent à la poésie et à la musique. Ils sont en France, en Italie, en Espagne, dans tous les pays romans ; mais en outre ils ont fait la conquête des pays germaniques. Ils tiennent leurs secrets de lointains ancêtres qui divertissaient le peuple de Rome ; ils se sont répandus avec les mœurs de la grande ville : ils présentent un aspect de la civilisation et du génie latins. Mais ils se sont imposés à tout le monde , même aux barbares venus du nord. Et juste au moment où un prince franc, donne l’ordre de recueillir les chants germaniques qui circulent parmi son peuple, ce sont des latins qui chantent à sa cour et qui refoulent les scôps au delà du Rhin. En Italie et en Espagne la situation est plus modeste, Théophane fait venir d’Italie un mime qui dressait habilement les chiens en l’année 543, mais on a peut de documents.
Plus tard on conte que Charlemagne, en guerre contre Desiderius, franchit les Alpes grâce à la traîtrise d’un jongleur Lombard. L’homme s’étant présenté devant le camp des Francs, chanta, en s’accompagnant de la rote, un chant énigmatique où il offrait en termes obscurs son concours à l’empereur. Il fit passer l’armée franque, comme il l’avait promis. On lui accorda un riche salaire : il monta sur une montagne, y sonna du cor, et régna sur tous les pays d’où le son avait été perçu : les habitants de la région en prirent le nom de Transcornati. L’anecdote se placerait en l’année 773. Mais cette anecdote peut-être la fantaisie d’un moine ou le reflet d’un conte populaire. Il est certain du moins qu’Alcuin connaissait bien les jongleurs d’outre-monts, puisque, en écrivant à l’un de ses disciples partis pour Rome, il le met en garde contre la séduction des banquets, où fréquentaient les mimes.
C’est en France, en tout cas, que les jongleurs sont dans toute leur gloire. L’Eglise a beau gronder et menacer, rien n’y fait. Hincmar, archevêque de Reims, défend aux prêtres le plaisir coupable des chants et histoires profanes : « Qu’ils ne tolèrent point, commande-t-il, ces amusements scandaleux, où l’on voit paraître des ours et des danseurs ». Le troisième concile de Tours (813) répète les décisions sévères du concile de Laodicée, qui interdisent à tous les clercs les spectacles profanes donnés par les histrions. Il n’est pas sans intérêt de s’arrêter un instant aux querelles que provoquent les jongleurs dans l’entourage même de Charlemagne. Elles divisent les personnages les plus considérables de la cour impériale, Angilbert et Alcuin, dont on vante le grand rôle dans la renaissance carolingienne, était moins un maître de belles lettres qu’un maître de bonnes mœurs. Il voulait que l’on s’instruisit, non pour se divertir, mais pour apprendre à mieux vivre. Il avait une conception grave des fonctions de l’esprit, qui lui faisait détester la frivolité des mimes. Angilbert, de son côté, ne manquait pas de réflexion. C’était un homme de sincère piété et qui finit comme un saint. A 49 ans, il quitta le siècle renonçant à sa femme et à ses enfants, et il se retira au monastère de Saint-Riquier, où il mourut. La sureté de son conseil lui avait attiré la confiance de Charlemagne, qui lui donna sa fille en mariage et le fit primicier de son palais. Mais il était comparé à Alcuin, d’une vertu plus riante et plus aimable. Il avait une indulgence de grand seigneur pour les divertissements et les fêtes, il était l’ami des mimes. Alcuin n’admettait pas, il écrivait à Higbald : « Il vaut mieux faire manger à sa table des pauvres que des histrions. »
Il menait campagne secondés par des prêtres zélés contre ces histrions. Fort de l’appui des sages, Alcuin demanda et obtint de Charlemagne un décret qui proscrivait les spectacles. Ce fut sa victoire sur Angilbert. Il écrivait à Adalhard, abbé de Corbie : « J’ai bien peur que notre Homère (Angilbert) ne prenne mal le décret. » Mais il était sur d’avoir raison, ayant pour lui les écritures ; et St Augustin n’avait-il pas dit : « L’homme qui introduit chez lui des histrions, des mimes et des danseurs, ne sait pas quelle multitude de démons abominables entre avec eux. » L’austère morale de l’Eglise obtenait l’approbation officielle de Charles. Mais la loi fut sans effet. Les jongleurs continuèrent à vivre heureux en France. Si Louis le Pieux, prince scrupuleux, ne daigne jamais sourire à leurs facéties, il les tolérait du moins et il devait faire cette concession à l’usage.
Les jongleurs paraissent donc fort répandus dans le nord de la Gaule, lorsqu’un événement fort avantageux pour eux vint modifier l’esprit de la société française vers l’an 1000. Robert le pieux ayant épousé à cette époque Constance d’Aquitaine, fils du comte Guillaume 1er, on vit affluer à la cour du roi , des contrées méridionales, une multitude d’hommes, qui d’abord étonnèrent par l’étrangeté de leur costume et le relâchement de leur morale, puis peu à peu imposèrent leurs manières et les mirent à la mode. « Ils négligeaient les armes et les chevaux ; ils se faisaient couper la chevelure à mi-tête ; ils étaient rasés à la manière des histrions ; ils portaient des bottines et des chaussures indécentes. » Raoul Le Glabre les décrit en ces termes. Ces gens là apparemment pas histrions avaient toutes les dispositions pour goûter aux plaisirs mondains. La reine donna le ton à la cour. Les francs qui jouissaient d’une vieille réputation de vertu, les Burgondes, vertueux eux aussi, se mirent au train des hommes du sud. L’église protesta, fit de sérieuses réprimandes aux rois mais l’abominable usage continua de vivre.
En France donc, à partir de cette époque, les jongleurs sont pour ainsi dire entrés dans les mœurs.
En Angleterre, dès le 8ème siècle, commencent à paraître des amuseurs, qui présentent tous les caractères de mimes. Ils sont signalés dans les décisions des conciles et dans les mandements, qui interdisent aux écclésiastiques d’en entretenir : ainsi le concile relatif aux affaires anglaises qui se tint à Rome en 679 ; ainsi le concile de Clovesho, en 747. Dans une lettre qu’il écrit à Egbert en 734, Bede parle de l’usage répandu parmi certains évèques de s’entourer de gens qui ont pour office de les égayer et de les faire rire. Plus tard, en 906 , les canons anglo-saxons d’Edgar défendent aux prêtres d’avoir avec eux des bouffons. On peut donc tenir pour problable que les jongleurs n’avaient pas attendu le 8ème siècle pour franchir la Manche.
Ils avaient franchi aussi le Rhin. Ils visitèrent d’abord la Germanie en petit nombre puis comme ils y vivaient à l’aise, d’autres les suivirent toujours plus nombreux. Au 12ème siècle l’Allemagne vit sous l’influence française.
C’est au 9ème siècle que les premiers jongleurs de la Romanie occidentale s’aventuraient à Thuringe.
Depuis une épopée reculée vivaient en Germanie des rhapsodes, des scôps, qui chantaient aux festins des princes. Ils étaient tenus en grand honneur, demi prêtres, ils conservaient le souvenir du passé, les exploits des guerriers, la gloire des dieux nationaux. La vieille loi du pays de Galles interdisait l’exercice de ce ministère aux hommes qui n’étaient pas de condition libre. On les écouta longtemps avec respect mais l’heure de la décadence vint. Ils avaient des ennemis et tout d’abord l’église. Celle-ci les considérait comme les apôtres des superstitions proscrites. D’autre part le sens des traditions purement germaniques se perdait. La curiosité se portait sur la culture latine. L’antique rapsode quitte la cours des rois, et se réfugie dans le peuple, plus lent à évoluer. Mais là encore il rencontre la concurrence redoutable des mimes, des jongleurs du sud et d’occident. pour vivre il amuse par n’importe quel moyen, le scôp pour vaincre le jongleur se fait jongleur lui-même. Dès lors le jongleur est établi en Allemagne.
Grâce à leur industrieuse activité les jongleurs s’étaient imposés en fait. Il leur restait à acquérir dans l’opinion publique une estime et un renom qui leur donneraient plus d’honneur et plus de faveurs. En élargissant et en élevant peu à peu leur rôle, ils parvinrent à la longue à un certain respect. Mais il y avait de bons et de mauvais sujets. Si certains s’employaient à une œuvre belle, beaucoup pour un peu d’argent, consentait à tout. L’histrion romain, avec tous ses vices, continue de vivre : il est l’amuseur sans scrupules, et, comme c’est pour rire qu’on délie le plus volontiers les bourses, il trouve tous les moyens bon pour faire rire. Mais déjà paraissent les jongleurs d’une espèce nouvelle. Ceux là ne comptent pas pour vivre sur les bouffonneries équivoques ni les sottes jacasseries. Ils agitent les passions généreuses du cœur, ils célèbrent la vertu des ancêtres, ils racontent l’histoire des âmes saintes. Ce sont bien les jongleurs du 10ème et 11ème siècles, qui ont été chez les peuples romans les premiers éducateurs du goût littéraire.
Mais quelle relation entretiennent-ils avec la grande puissance morale de l’époque, l’église ?
On les verra exécrés et maudits. Mais il y a tels d’entre eux qui seront reconnus pour des ouvriers de bonne œuvre, et que personne, même parmi les plus austères ne songent à réprouver.
C’était une guerre ancienne et obstinée que celle de l’église contre les jongleurs, représentants de l’esprit de frivolité et de la corruption mondaine.
Le souvenir des mimes nous a été conservé par les malédictions des écrivains religieux, du 4ème au 9ème siècle. Cette austérité n’est pas un accident : c’est l’attitude ordinaire de l’église pendant tout le moyen âge à l’égard des agents de dissipation. Protectrice des mœurs, elle n’aimait pas le trouble élevé dans les consciences par les chants, les fêtes, les danses et les jeux. La même sévérité est encore, au 11ème siècle, celle d’un canon cité par Abbon de Fleury, et qui compte dans les devoirs de la justice royale d’arrêter les voleurs, de punir les adultères, de refuser le vivre aux impudiques et aux histrions. Au 12ème siècle Honorius d’Autun imagine un dialogue fort dur entre un maître et son disciple. Le disciple demande : « les jongleurs peuvent-ils avoir de l’espérance ? » Le maître répond : « Aucune. Car ils sont, du fond de leur âme, les ministres de Satan. On dit d’eux qu’ils n’ont pas connu Dieu…..et Dieu rira des rieurs. »
En France, du 7ème au 10ème siècle, les représentations foraines sont données par des histrions qui élèvent de fragiles théâtres au milieu des rues, dans les foires, et se font accompagner par des bouffons, des mimes, des joueurs de cithares. Plus tard circulent des jongleurs menant en laisse des ours, des singes, des animaux fantastiques, sortes de salamandres à tête humaine et à griffes acérées, des bateleurs, des funambules. D’abord les jongleurs sont de vrais nomades qui vont de ville en ville en jouant des tours de passe passe. Puis, à la fin de l’époque carolingienne, ils se mettent à chanter les poèmes nationaux.
Au 9ème et au 10ème siècle, les terreurs de la société, les calamités publiques, les misères excessives, l’effroi général, les exilèrent presque complètement. A l’avènement de Hugues Capet, c’est à peine si l’on en trouve quelques débris épars, confondus avec les mimes et les baladins, et menant concurrement avec ces derniers une vie errante et précaire. D’ailleurs les troubadours dans les provinces du midi , et les trouvères dans les contrées du nord , allaient s’emparer de l’attention publique. Les troubadours comme les trouvères avaient des réunions générales appelées cours d’amour, pays d’amour, gieux sous l’ormel, palinods, où accouraient en foule des seigneurs et des dames de haute noblesse, et dans lesquelles ils se livraient des combats poétiques. Ces solennités revenaient annuellement. Là, les concurrents récitaient des contes, des tensons, des fabliaux dialogués, et les improvisaient quelquefois .Dans les intervalles que laissaient ces exercices, qui créaient pour la France une riche et féconde littérature, un grand nombre de ces poètes faisaient le métier de menestrels, parcourant les châteaux et les monastères, pour réciter leurs ouvrages, et recevoir en récompense du plaisir qu’ils procuraient , des présents en or, argent, bijoux, robes de prix, armures, chevaux etc…….Tous ne menaient pas cette existence vagabonde. Beaucoup étaient attachés à la personne des princes et des grands seigneurs ; d’autres trop haut placés par leur naissance et leur rang eussent rougi d’aller de porte en porte tendre leur main comme un gueux de l’ostière. Ces derniers prirent à leur service des jongleurs ou ménestrels, qui colportèrent les œuvres de leurs patrons, lesquels se contentant de la gloire qu’ils en retiraient, leur en abandonnaient les profits. Pierre de la Mula poète inconnu dans un sirvente fort curieux, se plaint amèrement du métier qu’il fait, et accuse une infinité de gens sans talent de se mêler de jonglerie, et de dégrader la profession par leur bassesse. « Je veux, dit-il abandonner le service des jongleurs ; car plus on les sert moins on y gagne. Ils se sont mulltipliés au point , qu’il y en a autant que de lapins dans une garenne; on en est inondé. » Pierre de la Mula nous apprend que les jongleurs vont deux à deux en criant : « Donnez-moi, car je suis jongleur. » et qu’ils injurient ceux qui ne leur donnent rien. Ordinairement le jongleur était le chef d’une troupe composée de chanteurs, de conteurs, de musiciens, de baladins, de farceurs et de bateleurs qui s’associaient pour mettre leur talent et leur profit en commun. « Une ménestrandie bien composée, dit M . Victor Fournel, avait ses poètes, ses musiciens et chanteurs, ses farceurs et saltimbanques. Les plaisirs des spectateurs étaient ainsi des plus variés, et après avoir entendu une chanson de geste et un concert de harpe, il se reposait en écoutant les quolibets, en contemplant les grimaces du jongleur et les gentillesses du chien savant. «
Une estampe d’une bible du 10ème siècle, conservée à la bibliothèque de richelieu, représente une de ces troupes : tandis que les uns jouent de la harpe, de la trompe, de la flûte, les autres dansent, la tête en bas et les pieds en l’air, jonglent avec des épées, des poignards, des boules et des anneaux. Ces comédiens errants allaient animer de leurs jeux les festins, les noces, les assemblées plénières.
Vers le 9ème, 10 ème, siècle commence à poindre dans la chrétienté occidentale la chevalerie et avec elle l’organisation de tournoi. Longtemps à l’avance, hérauts et messagers sont allés porter de château en château, l’invitation et crier de village en village l’annonce du tournoi. Lors de ces derniers entre les joutes, place est faite aux jongleurs et à tous ceux qui amusent la foule : montreurs d’ours, acrobates ou lutteurs de profession.
Le soir, les barons sont invités à un festin qui se termine en danses et en intermède que fourniront les ménestrels qui chantent, en s’accompagnant de la vielle ou de la rote, les chansons de geste ou les romans de chevalerie.
Au 10ème siècle le personnage du prestidigitateur magicien paraît dans les enluminures de manuscrits, et, au Moyen âge, il est le jongleur dont les tours de prestidigitations et d’escamotage deviendront bientôt métier d’artiste.
Comme des vautours sur des cadavres, comme des mouches sur une liqueur sucrée, on voit convoler à la cour des princes, pauvres, chétifs, aveugles, bancroches, estropiés, jongleurs, danseurs, musiciens, vauriens et prostituées. Ils sont comme bien d’autres, pareil à des sangsues, qui ne lâcheront pas la peau avant d’être gorgées de sang. » : ainsi s’exprime Conrad, chantre de l’église de Zurich, vers l’an 1275.
Les jongleurs sont des parasites ; ils chantent pour de l’or, des vêtements, des chevaux. Comme le vilain fait de ses brebis, ils tondent les riches, et souvent deux fois l’an. L’homme qui leur prête son attention, ne tardera pas à épouser la pauvreté. Ils se vendent corps et âme pour le moindre salaire, comme les pires femmes ; et il y a deux professions qui ne sont que péché ; ceux sont celles de prostituée et de jongleur.
Ils reconquirent la faveur du public grâce aux troubadours et aux trouvères. Quelques-uns , devenus riches, prirent à leur service des jongleurs ou des ménestrels, qui colportèrent les œuvres de leurs patrons.
Le jongleur était le chef d’une troupe composée de chanteurs, conteurs, de musiciens, de farceurs et de bateleurs, qui mettaient leurs talents en commun. Au 12ème siècle, ils étaient très recherchés. On les payait fort cher. Mais vint la création du théâtre de France où jongleurs, histrions et ménestrels ne pouvaient guère espérer qu’une place de danseur.
(ménestrels, jongleurs, baladins que nous appelons aujourd’hui paradistes et bateleurs)
Les ménestrels ou ménétriers se nommaient au 12ème siècle, trouvères dans le nord, troubadours dans le midi. C’étaient des hommes en qui l’esprit plus éveillé se laissaient aller aux écarts de l’imagination et ne voyait dans la raison qu’un obstacle à leurs penchants. Ils comprenaient que le plaisir peut se vendre et se payer. Ils voyaient que leurs lazzi, leurs jeux de mots, leurs satires malicieuses, les faisaient bien accueillir, et que ceux qu’ils amusaient un peu les invitaient au moins au souper. Les seigneurs dans leur sombre manoir les hébergeaient et leurs faisaient des présents.
Ils composèrent des satires rimées, des chansons de gestes, des rondes dont les traits sont l’origine du vaudeville. Il y eu bientôt des poètes ambulants. Au 12ème siècle on ne voyageait pas ; les seigneurs vivaient en petits souverains dans leurs manoirs….Au moyen - âge un troubadour ou trouvère qui arrivait suivi de ses ménestrels, suivant l’usage était si généreusement acceuilli, que tous ceux d’entre eux qui pouvaient se trouver doués d’un peu d’ordre, devenaient riches. On cite un jeune seigneur, qui ne possédant que la moitié d’une terre, courut le monde en troubadour, et avec les présents qu’il reçut parvint rapidement à acheter l’autre moitié.
Cependant leurs chansons licencieuses laissaient partout des germes qui couvrirent la France d’une grande plaie morale. Leurs mœurs répondaient à leurs poésies ; et ils justifièrent cet adage que « qui perd la foi a perdu d’abord les mœurs ». Ils saluaient les hérésies qui autorisaient leurs désordres. Ils chantaient tout ce qui pouvait flatter les passions et semaient le sarcasme sur les choses saintes. Ils firent assez de mal pour mériter d’être bannis par Philippe - Auguste.
Saint Louis, trop pur et trop honnête pour croire à ces abus de l’esprit dont on accusait les trouvères, les rappelle sur leur promesse de se conduire loyalement. Il leur donna plusieurs privilèges , entre autres celui de ne payer le droit de péage aux portes de Paris qu’en chantant au gardien une de leurs petites chansonnettes. Il étendit cette faveur à leurs amis et camarades jongleurs, promeneurs de singe et montreur d’ours et autres bateleurs, qui s’acquittaient en égayant le portier par un tour de leur gibecière. ( se payer de chansons et payer en monnaie de singe)
Pour ne pas se montrer indigne des bontés du roi, deux des principaux trouvères Hugues Le Lorrain et Jacques Grure, firent bâtir aidés par leurs confrères (car ils s’érigèrent en confrérie, eurent leur bannière et leurs armes) une chapelle qu’on appela Saint – Julien – d es -Ménétriers. Elle étaient dédiée à St Julien le Bon Hospitalier, qui selon les légendes populaires, jouait très bien du rebec, et à St Genest le comédien, lequel était alors souvent représenté par une vielle. St Julien avait sa statue à la porte de la chapelle où il jouait du violon. La chapelle était bâtie rue St Martin, au coin de la rue habitée par les confrères appelée à cause de cela rue des ménétriers. Cette église à été détruite pendant la grande révolution.
Et la rue des ménétriers vient de disparaître dans le percement de la rue Rambuteau.
Tout se passa bien sous St Louis . Louis 9 maria son successeur à Marie de Brabant qui avait dans sa suite, Adénès dit le roi des ménestrels, avec qui elle composa le roman de Berthe aux grands pieds. Mais tout dégénéra de nouveau, la rue des ménétriers devint si scandaleuse qu’il fallut en bannir la population.
On ne toléra que les jongleurs, bateleurs et danseurs de corde, auxquels ceux des chanteurs qui tenaient au sol se joignirent sans bruit, tombant dans la parade et se soumettant à vivre très surveillés.
Il s ‘éleva alors des poètes plus sérieux, qui se réunirent pour composer et représenter de graves actions dramatiques. Ils débutèrent par le mystère de la passion ; et on les voit longtemps donner ce nom de mystère à tous les sujets religieux.
Ces représentations amenèrent des foules immenses de spectateurs. Mais comme de grands désordres ne tardèrent pas à s’y introduire, le prévôt de Paris les défendit.
Les artistes associés ne se tenant pas pour battus, s’érigèrent à leur tour en confrérie, la confrérie de la passion et s’adressèrent à la cour. Charles 6 Leur donna des lettres qui les autorisaient à s’établirent dans Paris, le 4 décembre 1402. Ils s’installèrent dans la grande salle de l’hôpital de la trinité, rue St Denis. Leur succès fut tel qu’il se forma une autre troupe « les enfants sans souci « qui dressèrent leur théâtre aux halles où ils représentèrent ce qu’ils appelaient les sottises et qui avaient pour sujet les aventures les plus plaisantes survenues dans Paris.
Les deux troupes s’associèrent , mais ce mélange de bouffonnerie et de morale déplut aux gens sages. On expulsa tout.
Les confrères de la passion qui avaient amassé de grands bénéfices achetèrent l’ancien Hôtel de Bourgogne qui n’était plus qu’une masure dans la rue Mauconseil. C’était sous Henri 2. Il ne leur fut plus permis de représenter des sujets religieux. La réforme était venue. Un arrêt donné le 19 novembre 1548, permit aux confrères de jouer des sujets licites et honnêtes, mais non plus des sujets saints. Cette nouvelle carrière ne convenant plus aux confrères un peu religieux ils cédèrent la place à une autre troupe, laquelle devint la Comédie Française.
Au 13ème siècle, ils formaient dans bien des villes, notamment à Paris, de puissantes corporations.
Les premiers jongleurs récitaient les poésies des autres. Par la suite, certains se procurèrent l’instruction nécessaire pour composer eux-mêmes. Ils acquirent vite richesse et considération. Ils devinrent ménestrels, hérauts d’armes, historiographes. Les autres virent leur profession s’avilir de plus en plus. De nos jours « jongleur » est un mot qui ne doit s’appliquer qu’à celui qui jette et rattrape avec adresse différents objets. Dans la pratique, les jongleurs sont également équilibristes.
Troubadours et trouvères (langue d’oc pour le premier, le second langue d’oil). Les ancêtres sont les jongleurs. De bonne heure, à l’art de réciter des vers, quelques jongleurs joignirent celui d’en composer.
Les troubadours allaient de château en château. Au nord, les grands seigneurs comme Robert d’Artois, s’entourèrent de trouvères, qui restaient attachés à leur service.
Au 13 ème siècle, quelques trouvères firent évoluer leur rôle et leur condition.
Le limousin et le Périgord furent le berceau de la poésie courtoise.
Dans le midi surtout en Provence, dans le comté de Toulouse et chez les seigneurs de Rodez et de Narbonne les troubadours furent bien accueillis. La Picardie et l’Artois furent également des centres importants de productions poétiques. Au 14ème siècle, le rôle des troubadours est amoindri, la langue nationale est remplacée par le français dans l’administration et la littérature.
C’est dans une telle atmosphère fièvreuse que les précurseurs des banquistes modernes apportaient leur collaboration dès lors indispensables aux plaisirs des fêtes populaires.
Dès 1292 « Les jongleurs, bateleurs et joueurs de viole » constituaient à paris une corporation régulière qui figure au rôle des tailles c’est à dire dans la liste des impôts prélevés sur les roturiers. Par ailleurs presque dès cette époque leurs manifestations attirèrent la sage attention du pouvoir législatif car le 14 septembre 1395 une ordonnance prévotale leur défendait déjà « de rien dire, rien représenter ou chanter sur les places publiques ou ailleurs qui puisse causer quelque scandale à peine d’une amende arbitraire et de deux mois de prison au pain et à l’eau. »
Au 13ème et au 14ème siècle on en vit souvent à Paris. Ils s’y fixèrent dans une rue qui fut appelée rue des jongleurs, et qui plus tard devint la rue de St julien des ménétriers. Ils s’associèrent des femmes, qu’on nommaient jongleresses. On les louaient pour divertir les compagnies dans les maisons particulières ; et la politique des rois, si l’on en croit Dulaure, ne dédaigna pas leurs jeux pour les faire servir à ses fins. Au 13ème siècle Philippe le Bel employa des jongleurs pour la représentation d’une farce appelée la procession de renard, vive satire contre le pape Boniface 8. Une pareille farce, ordonnée par le roi, dut en autoriser d’autres plus ou moins scandaleuses.
Aussi trouve-t-on en 1395 (14 septembre), une ordonnance du prévot de Paris, défendant aux histrions, baladins, bateleurs, jongleurs et autres, « de faire ou chanter en places ne ailleurs, aucun diz ou rhymes qui facent mention du pape. » Il était enjoint, en outre par la même ordonnance de ne rien dire, représenter ou chanter, dans les places publiques ou ailleurs qui pût causer scandale.
Une éternelle confusion de noms, qui se rencontre dans les auteurs contemporains, empêche de distinguer le rôle précis que remplirent les bateleurs dans la représentation des pièces dramatiques, qui alors prenaient le nom de gestes, et dans celles des satires, des dialogues entre des amants (tensons, sirventes). Les artistes qui exerçaient l’art de ménestrellerie ou de jonglerie se trouvent désignés dans les anciens recueils sous une multitude de noms d’une signification analogue, mais qui tous pourtant avaient leur valeur spéciale : c’est ainsi que bateleur et baladin quoique souvent pris dans le même sens, indiquent des attributions différentes ; mais il est à croire que le même individu dans des troupes nomades peu importantes, étaient chargés de plusieurs emplois, comme cela a lieu encore aujourd’hui dans des troupes d’acteurs de province, où le jeune premier joue au besoin les pères nobles ;Quoi qu’il en soit le 12ème siècle fut pour les histrions une époque fortunée. On les rechercha et, quel que soit le nom sous lequel il figure à côté des auteurs qui récitaient eux mêmes leurs vers ou des interprètes qui les chantaient , il est certain que tous ensemble réunis en compagnie, se firent payer fort cher les amusements qu’ils procuraient. Des filles de joie s’adjoignirent à eux et les accompagnèrent dans les châteaux auprès des seigneurs, des princes et des rois. Les religieux eux mêmes aux jours de fête, louaient des troupes de ce genre et leurs permettaient, moyennant finance de dresser des tréteaux dans l’intérieur du monastère. Ce trafic singulier fut interdit par le concile de Béziers en 1223 ; mais on n’en vit pas moins dans certaines provinces, les prêtres avec leurs clercs élever à l’intérieur même des églises des tréteaux où ils faisaient, après vêpres, mille bouffonneries pour attirer et amuser les paroissiens, appelant à leur aide des histrions de passage. Le concile de Salsbourg défendit en 1310, ces profanations. L’un des articles des canons de ce concile est ainsi conçu ; « Clerrici neu sint joculatores aut galiardi. » Malgrè cette injonction, les clercs continuèrent à danser, à se masquer et à parodier dans les lieux saints, où à y donner entrée aux bateleurs. Jusqu’au 16ème siècle, l’autorité de l’église ne fut pas assez forte pour les en empêcher.
Les représentations des Mystères nuisirent quelque peu aux bateleurs. Lorsque les confrères de la passion, les clercs de la basoche et les enfants sans-souci eurent crée notre théâtre, les jongleurs, chanteurs, ménestrels et histrions abandonnèrent leurs prétendues fonctions dramatiques et devinrent de simples danseurs. Nous avons déjà montré un coin de leur histoire qui se mêle à l’histoire de la danse ou à celle des chanteurs et des joueurs d’instruments, au mot baladin, auquel nous renvoyons le lecteur. Toutefois, beaucoup parmi eux conservèrent le caractère primitif des bateleurs, et sous le nom de jongleurs (joculatores), à peu près abandonné par ceux qui l’avaient porté jusque là, ils continuèrent à divertir le peuple en jonglant avec des armes, des anneaux, des bâtons, et faisant toutes sortes de tours d’adresse. Ceux de qui ils prenaient le nom, les jongleurs n’avaient pas tardé, tant à cause de leurs mœurs qu’à cause des proscriptions des conciles et des rois , à tomber dans le mépris. Les vices et les bassesses de la majorité avaient rejailli sur la profession toute entière. Ils étaient bien loin maintenant, sous le rapport moral, du ménestrel proprement dit, resté fidèle aux traditions héroïques de son état, poète exercé et chanteur soigneux de sa propre dignité, et ne s’abaissant point, comme eux, au rôle de sorcier et de grimacier obscène.
Nous parlions tout à l’heure des singes que les bateleurs menaient avec eux et qu’ils dressaient à toutes sortes de gambades. Déjà, sous Louis 9, l’usage de ces animaux existe parmi les amuseurs publics. Dans le livre des métiers d’Etienne boileau, recueil de règlements colligés sous le règne de ce roi, dans les essais historiques de Sainte Foy, et les curiosités de paris de Dulaure, il est dit qu’un bateleur entrant à Paris, sous le petit châtelet sera exempt de tout droit de péage, tant dudit singe que de tout ce qu’il aura apporté pour son usage, en faisant jouer et danser l’animal devant le péager. De là vient le proverbe, payer en monnaie de singe, en gambades. Un autre article du tarif porte que les jongleurs en serait quitte, eux pour une chanson devant le péager. Il y a loin de ce privilège aux proscriptions dont nous avons parlé. Philippe Auguste, témoin cependant de la la vogue extraordinaire des jongleurs, n’avait pas eu pour ceux ci le même goût. Aux grands seigneurs de son royaume, qui tous entretenaient des jongleurs, il disait : « donner aux histrions, c’est donner au démon. ».
Plus tard le 13ème, 14ème , 15ème, les conciles et les moralistes resteront fidèles aux mêmes principes.
Les jongleurs sont exclus de la communion au même titre que les épileptiques, les somnanbules et les magiciens, manuscrit de la bibliothèque de Stuttgart qui date du 14ème siècle.
Des princes de l’église, des prélats et des abbés, qui auraient dû donner l’exemple de toutes les austérités, ne craignaient pas d’afficher leur prédilection pour de pareilles gens. Les conciles, de bonne heure avaient dû sévir : ils interdisent à tous les clercs les spectacles profanes données par les histrions. Mais leurs injonctions paraissent être demeurées sans effet. Au 12ème siècle l’Archipoeta déplore que les grands personnages ecclésiastiques laissent à leur porte les poètes, ceux qui ont la tradition des belles formes latines, tandis qu’ils reçoivent des mimes dans leurs chambres. En Bretagne le jongleur Troussebeuf reçoit de l’archevêque Roland de Dol une terre en fief viager, a peu près à la même époque.
Plus tard au 13ème siècle on raconte l’anecdote suivante. Deux vagabonds ont été acceuillis avec transports par le prieur et les clercs d’un monatère : on les avait pris pour des jongleurs, et on se promettait merveilles. Mais on reconnaît bientôt qu’on a affaire à deux frères mendiants ; on les chasse ; et c’est à la pitié d’un jeune moine qu’ils doivent de ne pas être mis aussitôt dehors, où la tempête souffle avec fureur.
Tous ses excès qui compromettaient l’autorité personnelle des clercs, ne portait pas atteinte à la majesté du culte. Mais les jongleurs en étaient venus à se mêler aux cérémonies. Les jours de fête pour l’église étaient des jours de fête pour eux. Si , en l’honneur du Christ, de la Vierge, ou d’un saint, une procession était organisée, on comptait sur la magnificence de la pompe pour exalter les esprits, et nul ne savait mieux que les jongleurs étaler des costumes fascinants, sonner des fanfares perçantes, parer splendidement un cortège.
Le mal jusque là n’était pas grand. Mais, dans certaines occasions, après l’office, sous le porche des églises, les prêtres et les clercs organisaient des spectacles et des jeux dramatiques : les jongleurs étaient encore présents pour offrir leur concours. Ils assuraient la partie musicale du programme. La musique des jongleurs n’avaient pas la gravité de la musique de l’église : elle passait pour corruptrice. Mais quels qu’ils fussent, ceux qui la faisaient étaient moins dangereux que la troupe de farceurs qui les accompagnaient. Durant la représentation des mystères, c’étaient ces derniers qui délassaient les spectateurs par des facéties et des bouffonneries mêlées. Et on avait imaginé ce moyen pour empêcher le public de courir aux montreurs d’ours pendant le spectacle, de leur montrer les ours sur la scène même. Le théâtre profane fut apporté du dehors par les jongleurs.
Une fois sous le porche de l’église, il était difficile que les jongleurs n’y entrassent point : ils y entrèrent et ce fut leur dernier succès. Ils y furent musiciens, acteurs, danseurs.
Les évêques, les conciles et les pape s’élèvent avec force contre cet abus. Mais leurs proscriptions répétées attestent la persistance vivace des usages qu’ils condamnaient.
Tandis que les jongleurs apportaient devant les auteles le trouble des divertissements profanes, des clercs, délaissant le service de Dieu, se mettaient à courir le monde, et compromettaient par leur conduite le prestige et la dignité de leur classe. Le mécontentement, un exemple pernicieux, le hasard d’une fausse vocation, leur faisait oublier ce qu’ils devaient à eux-mêmes et à la profession qu’ils avaient choisie. On en trouva bientôt partout et dans tous les pays. On les appelait les clercs vagants.
Au 14ème siècle, ils retombent dans leurs premiers errements : dansent à l’épée, montrent des truies qui filent, des cochons savants déguisés en seigneurs et châtelaines, des ours qui font le mort, des singes qui chevauchent, des chèvres qui jouent de la harpe. Ils se mêlent aussi de sorcellerie et de médecine. Les mires et les physiciens étaient sur les places publiques des herbes, des drogues, des philtres. Ils assemblent les passants par des concerts d’instruments, des chansons des tours, des cabrioles, la bizarrerie de leur accoutrement et des boniments qui ne diffèrent guère de ceux des charlatans d’aujourd’hui,
Au 15ème siècle, les fêtes princières exhalaient de grandeur. Tournoi, remise des prix , ce sont les entremets des banquets qui sont restés célèbres. Le fait d’ailleurs que les invités moins privilégiés, placés sur les estrades, regardent seulement ces festins, met bien en évidence leur caractère spectaculaire. On y voit non seulement d’énormes pièces montées avec fontaines, automates et musiciens, mais des entrées d’animaux et de personnages plaisants ou fantastiques.
En parlant peu, ou pas du tout, les mimes échappaient à des sanctions qui les eussent empêchés d’exercer leur profession .
Le mime pénètre en Gaule à la faveur de la conquête romaine. Eloignés du pouvoir central, les acteurs ont toute latitude pour continuer leurs imitations. Ils reprennent les mêmes farces, flattent le peuple, ne cherchant qu’à fouetter des instincts vite blasés par des gestes et des attitudes obscènes. Charlemagne les met hors la loi. Les conciles les condamnent.
Au Moyen âge, mimes et ménestrels restent confondus ; l’imitation étant un attribut de la nature, la parodie persiste dans les spectacles populaires et le mot même de mime conserve en soi l’idée de bouffonnerie. N’ayant plus d’arènes pour s’exprimer, le mime est devenu un artiste ambulant, imitateur, donc illusionniste et bientôt escamoteur, jongleur qui va de foire en foire, de fêtes civiles en fêtes religieuses, donne des représentations sur les places publiques ou chez les seigneurs qui l’accueillent et lui offrent, pendant un temps plus ou moins long, nourriture et logement, dans leur résidence féodale.
A ce compte et pour profiter plus longtemps du séjour, le jongleur oublie son rôle primitif de mime et est tout à la fois conteur, déclamateur de poèmes légendaires, d’épopées, d’amours malheureuses, danseur de corde, escamoteur, dresseur d’animaux, contorsionniste, équilibriste et sauteur.
Il sert à l’occasion un troubadour qui jugeant indigne de jouer de la musique quand il chante lui-même ses œuvres, le prend comme ménestrel. Dans les festins solennels, le jongleur donne des spectacles mimés ou dialogués qui ont pour but de divertir et de délasser les convives et ne comporte ni intrigue ni dénouement. La langue française donna longtemps à ce genre le nom d’entremets, c’est à dire un morceau délicat, nom oublié qui par corruption est devenu intermède.
Les chanteurs et musiciens se séparèrent à la fin du Moyen âge, des jongleurs et constituèrent la corporation des ménétriers. Les seconds, considérés comme des bateleurs, continuèrent leurs pérégrinations, moitié artistes d’agilité, moitié bouffons, jusqu’à la fin du 15ème siècle, sous le nom de saltimbanques.
Suivant l’académie le bateleur est celui qui fait des tours de passe - passe aux moyens d’un bâton qu’il tient à la main et par extension celui qui monte sur des tréteaux dans les foires et sur nos places publiques, comme les charlatans, les joueurs de farces, les danseurs de corde, les diseuses de bonne aventure, les arracheurs de dents, les marchands de vulnéraire, les escamoteurs, les jongleurs, les sauteurs, les ventriloques, les gilles, les paillasses, enfin tous les sujets de cette bohème qui vient , à grand renfort de cymbales et de grosse caisse, sur la place publique, pour amuser la populace et lever sur elle un impôt de gros sous. Cet hercule qui soulève des poids à bras tendus, bateleur ; cet Orphée qui racle une corde à boyau en faisant des grimaces, bateleur ; ce Gargantua qui s’empiffre d’étoupes allumées, dévore des épées nues et se régale de cailloux, bateleur ; cet homme incombustible, cette femme à barbe, ce géant écossais, ce nain difforme, ce marchand de crayons à panache ondoyant, cet opérateur à cuirasse éclatante, cette tireuse de cartes à jupe bariolée, ces montreurs d’ours ou de veaux à deux têtes, ces joueurs de marionnettes, ces chanteurs de complaintes, ces musiciens ambulants qui jouent à la fois de cinq ou six instruments et imitent le cri des animaux, bateleurs. Bateleurs est donc un terme général, le nom donné à tous ces apôtres du rire grimace, de la gaieté forcée, auxquels les dieux Comus et Momus ont dit : Allez et amusez les badauds, depuis le pôle brûlant jusqu’au pôle glacé. Quiconque amasse la foule par ses gasconnades, ses hâbleries, ses cocasseries, et amène le badaud à cracher dans le bassinet de son escarcelle, en arrachant une molaire, en escamotant la muscade, en dressant son mollet sur son occiput, en ramenant sur son estomac l’éminence qui décore son épine dorsale, en balançant ses tibias sur la corde roide ; en déclamant des drôleries sur le grand mongol, des gaillardises sur la reine de Saba, des âneries sur le roi du Congo, des cocasseries sur la sultane favorite, des coq à l’âne sur le schah de perse ; celui là est un bateleur.
Bateleurs et badauds sont deux termes relatifs ; l’un nait de l’autre. Supprimer le badaud ; du même coup vous pulvérisez le bateleur, et réciproquement. Est-ce le badaud qui a crée le bateleur, est-ce le bateleur qui a fait le badaud ? Question insoluble comme celle de l’œuf et la poule. La science embryogénique croit qu’ils sont nés silmutanément , par suite d’un rapprochement soudain, en pleine place publique. Le mot bateleur vient de bâton.
Quoi qu’il en soit , ce nom de bateleur, qui dès le 15ème siècle , remplaça ceux de jongleurs ou d’histrion, a été indifféremment donné depuis longtemps aux baladins, farceurs, paradistes, charlatans et amuseurs publics, vivant au jour le jour du produit de leurs tours, momeries, jongleries ou hâbleries, et cherchant sans cesse le moyens de faire rire leurs auditeurs , d’amuser la populace, d’en imposer au badaud crédule, afin de faire tomber quelques sous dans l’escarcelle posée devant eux. « le métier du bateleur est de tromper le peuple en ayant l’air de le divertir » dit une encyclopédie. Nous trouvons ce jugement bien sévère pour quelques-uns surtout de ces artistes nomades, bohémiens de notre civilisation, qui gagnent si péniblement le pain quotidien, riant de leurs propres difformités, acceptant la laideur avec reconnaissance et comme la première mise de fonds de leur pénible industrie, se rendant ridicules, grotesques ou repoussants à plaisir, pour mieux exciter la gaieté et la générosité de « l’honorable société. »Naissant on ne sait où, allant on ne sait où, mourant on ne sait où ; affamés, besogneux, méprisés ; dépensant des trésors de ruse et d’adresse, d’éloquence et de diplomatie, de patience et de courage, pour aboutir à l’humiliation, à la misère, au faux pas qui les jette brisés sur la pavé. Ces derniers mots s’adressent, il est vrai, plus particulièrement aux acrobates proprement dits ; mais à tous les autres quel avenir est donc réservé ? L’hôpital voilà ce qui les attend de mieux ; jadis ils mouraient au coin d’une borne ou d’un bois, et on les jetaient à la voierie. L’histoire nous apprend pourtant que quelques bateleurs devinrent riches. Mais il faut tout dire : ceux que la fortune favorisa ne furent pas les plus méritants ; ils furent les plus audacieux, et la fortune, qui est femme, favorise les audacieux. D’ailleurs on ne les rencontre guère que dans la classe toute spéciale des arracheurs de dent, marchands d’orviétan et empiriques, hommes bienfaisants et méconnus qui mettent le grand art de guérir à la portée de toutes les bourses, et à qui la sottise humaine refuse rarement une maison de campagne et des rentes sur l’état. Les autres sont des pauvres diables déclassés, que des infortunes ou la mauvaise conduite lancent sur la place en leur criant : « saute paillasse !»
Au registre des recettes et dépenses de la royne Isabeau de Bavière, pour l’année 1415, conservé aux archives et cité par M. Le Roux de Lincy dans les femmes célèbres de l’ancienne France, nous voyons la belle sœur de Valentine de Milan faisant jouer à plusieurs reprises devant elle les ménestrels du roi, des bateleurs et des joueurs de personnage ; il est baillé un escu à un joueur de basteaux, nommé Mathieu Lestuveur, qui a joué au Plessis-Piquet ; à Ferry Cabinguet.
On remarque que dans ce document, la qualité de jongleur n’est pas employée. Faut-il croire, avec Delamarre (traité de police, t. 3, liv. 2, ch 2) que le nom de bateleur remplaçait déjà ceux de jongleur et d’histrion ? Nous avons vu précedemment que le jongleur de la tradition, le primitif jongleur, l’artiste multiple s’était transformé, et que son héritage était dévolu aux ménétriers ou ménestrels et aux bateleurs. Mais le nom subsistait encore, ne faisant plus qu’un, cela n’est pas douteux, avec celui de bateleur. Dans le mystère de St Christophe, d’Antoine Chevalet,qui date des premières années du 16ème siècle, on voit le jongleur Mauloue, parcourant villes et villages avec tout l’attirail de sa profession :
Bastons, bacins, soufflets, timballe,
Les gobelets, la noix de galle.
Le singe, la chèvre, le chien,
Et l’ours……
Vendant des images de sainteté et chantant des chansons badines. Le jongleur est tout à fait dégénéré en opérateur et en charlatan. Une ordonnance du parlement, de l’année 1543, nous offre un renseignement qu’il est bon de noter ; elle nous montre que, concurremment avec les confrères de la passion, il y avait encore, à cette époque, dans Paris, des comédiens appelés jongleurs et bateleurs. « La cour, avertie que plusieurs du populaire et gens de métiers s’appliquent plutôt à voir jeux de bateleurs et jongleurs, et y donnent un et deux grands blancs ; ce qu’ils ne font pour les pauvres……. » défend à tous bateleurs, jongleurs et autres semblables de jouer en ceste ville de Paris, ou sonner leur tambourin, quelque jour que ce soit, sous peine du fouet et bannissement de ce royaume. »
Après la fin du moyen - âge, la condamnation des mystères par les parlements de Paris et de province marque le déclin des confréries spécialisées dans les spectacles religieux ; elle jette sur les routes, en bandes faméliques, les histrions qui étaient employés dans ces confréries.
Ce déclin annonce celui du théâtre non professionnel alors dominant.
A partir de la 2ème moitié du 16ème siècle de véritables troupes professionnelles font la navette entre les villes : certaines sont internationales comme celle des Gelosi.
Désormais et pendant quatre siècles, les comédiens forains appartiendront à deux mondes : celui des «enfants de la balle » (sauteurs, danseurs, montreurs de choses étonnantes….) et celui des artistes spécialisés dans l’art de la représentation théâtrale et l’art du dialogue : comédiens « dell’arte » italiens (du 15ème au 18ème siècles), « comédiens de campagne » du 17ème siècle, théâtres de la foire du 18ème siècle, théâtres démontables du 19ème et 20ème siècles…
Delamarre, prétend qu’à la date où il écrivait (1705), les noms de jongleur et d’histrion avaient décidément été remplacés par celui de bateleur (probablement comme aujourd’hui ce dernier par celui de saltimbanque), et qu’ils n’en avaient point d’autre alors. Il cite, en outre, un règlement de 1560 et 1588, toujours en vigueur en 1705, qui défendait aux bateleurs « de jouer les dimanches et les jours de fêtes, aux heures du service divin, de se vêtir d’habits ecclésiastiques et de jouer des choses dissolues ou de mauvais exemple, à peine de prison et de punition corporelle. »
2ème partie du 15ème moralités. Au 16ème siècle les réformateurs tel Calvin parlera des « battelleries « de la messe, « gestes de joueurs de farces, déshonnêtes et immodestes. Après que cet enchanteur et joueur de passe-passe c’est approché plus près de l’autel, il commence à jouer son rôle et sa farce, tantôt se remuant d’un côté et de l’autre, tantôt restant sans bouger. Puis il marmonne ses murmurements magiques, par lesquels il lui semble bien qu’il doive tirer Christ du ciel.
Au 16 ème siècle, des troupes de comiques italiens viennent à Paris quand la cour de Médicis s’allie à la cour de France. La coutume existait alors au théâtre de représenter des intermèdes pendant les entractes et les plus grands écrivains espagnols en écrivirent. C’étaient de véritables farces dans lesquelles tous les types étaient mis en scène . Dans la comédie italienne tous ces types fixés par tradition prendront des noms : Arlequin, Polichinelle etc….. dont les principaux survivants créeront la confusion, au 19ème siècle, quand le mime reparaîtra dans un genre uniquement muet.
En France, au Moyen Age, on donna le nom d’histrions à certains jongleurs et baladins qui faisaient leurs exercices sur la place publique. Tabarin ne fut autre chose qu’un histrion de même que son compère Mondor, Barry l’orviétan, Padelle, Gille le niais.
Enfin les derniers histrions que l’on puisse nommer sont les 3 bouffons qui devinrent si célèbres à la fin du 16ème siècle, et qui fut on peut le dire les premiers maîtres de nos comédiens et les introducteurs du vrai théâtre en France, Gaultier-Garguille, Gros Guillaume et Turlupin.
Bateleur : Th. Gautier : Son ancien métier de bateleur et de soldat lui donnait des facilités singulières pour ces sortes d’ascensions obsidionales.
Individu qui amuse le public en plein vent, par des bouffonneries, des tours de force ou d’adresse.
Le dictionnaire de la conversation de son côté, dit, mais plus lourdement, que « le nom de bateleur peut être appliquer à tous ceux qui, dans les relations d’une société plus relevé, apportent les prestidigitations de la foire, et qui, grâce à la jactance, aux petites manœuvres des compères, aux journaux, aux annonces, parviennent à se créer une réputation usurpée, à attraper les niais de salon, plus nombreux peut-être encore que ceux de la place publique. » Cependant ce mot qui est d’un si grand secours pour l’allusion, est peu employé aujourd’hui. Il a été détrôné, ou peu s’en faut, par un autre qui englobe tout mieux que lui encore, si cela est possible, dans ses quatre syllabes avenantes et dansantes, toutes les étonnantes variétés de parasites à qui le dieu de la crédulité, de l’ignorance et de la badauderie donne chaque jour en pâture. Ce mot est saltimbanque, mot générique sous lequel on confond maintenant toutes ces classes d’amuseurs, de cabrioleurs et de dupeurs, qui avaient autrefois leurs attributions sui généris, et qui maintenant -ô bienfait de la centralisation !- ne forment plus qu’une seule et vaste tribu.
Quel que soit aujourd’hui l’état misérable des bateleurs, et le peu d’importance de leur rôle, il est certain que c’est par eux que commença notre théâtre comique. Ils le prirent un gauchement à l’état embryonnaire, et quand il fut né au bruit de leurs chansons graveleuses sur les tréteaux de la vieille farce gauloise, ses pères nouriciers le firent sauter et bondir dans ses langes plébéiens où ils pouvaient tout oser, lui frottant le naseau d’une gousse d’ail, et lui donnant du vin à téter comme le roi de Navarre à son petit fils Henri 4 . Certes ils ne lui enseignèrent ni le beau langage, ni les grâces décentes ; trop souvent même, ils le conduisirent au cabaret et dans les mauvais lieux ; mais après tout ils lui apprirent à réfléchir sur ce mot de Pétrone , traduit, commenté par Montaigne, et qu’un clerc sceptique et dégoûté, leur avait sans nul doute répété en grignotant son pain sec trempé dans l’eau claire : tout le monde joue la comédie ; le monde est un histrion. D’illustres farceurs remplissaient alors, comme aujourd’hui la scène du monde, et le peuple méprisé, n’avait pour se dédommager de leur insolence qu’une arme, arme terrible il est vrai : la satire . Cette arme les bateleurs s’en emparèrent, et s’abritant derrière le rire au gros sel et le coq à l’âne, derrière l’emphase ridicule et la bouffonnerie ordurière, ils firent feu de leur plantureuse et grotesque éloquence sur les grands qui mangent les petits, qui se laissent manger par les grands ; ils firent les fous, les niais, pour avoir la liberté de tout dire et tout oser, sans que cela tirât à conséquence ; ils ouvrirent de grands yeux où brillait, pour qui savait voir, l’esprit gausseur, narquois et badin de Jacques bonhomme ; ils s’élargirent la bouche, s’allongèrent les oreilles, se rendirent laids et difformes à plaisir, afin de dauber avec pleine licence sur les vices et les travers, regardant du haut de leurs quatre planches, à travers leurs masques grossiers, le flux et le reflux de la grande marée humaine, écrivant chaque jour à leur manière, le journal du moment, chatouillant jusqu’aux larmes la fibre populaire. Oui, les bateleurs ont cette gloire et cet honneur d’être les ancêtres de la comédie française. De leurs rangs sont sortis des bouffons de mérite, qui servirent de transition entre les jeux de la basoche et ceux de l’hôtel de Bourgogne. Molière a rit de leurs parades, et il en a largement profité. L’académicien St Amand et les poètes de son temps allaient entendre assidument les bateleurs du pont neuf pour se former à l’éloquence. En France, comme en Angleterre, comme partout sans doute, l’art de la scène éclot dans la rue, le premier théâtre de Shakspeare et le premier théâtre de Molière se ressemblent : un échafaudage, où l’on monte par une échelle, en fait tout les frais. Molière et Shakspeare, pourquoi ne le dirait-on pas, furent d’abord des bateleurs, imitèrent les bateleurs, arrachèrent aux bateleurs le grossier vêtement de la farce, l’ornèrent de cent façons après l’avoir taillé et découpé , et en firent une magnifique tunique, qui ne peut renier son origine plébéienne. Sait-on tout ce que notre grand comique doit à ces trois histrions célèbres : Gauthier Garguille, Gros Guillaume et turlupin, qui, avant d’être des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, avaient été des bateleurs de la porte St Jacques ? Le petit Poquelin, âgé de douze ans à leur mort, avait selon l’expression de M. Eugène Noël , recueilli un souffle de leur amitié, de leur gaieté naïve et courageuse. Gros Guillaume, Gauthier Garguille et Turlupin avaient commencé par jouer des farces de leur invention sur un théâtre portatif dans un jeu de paume ; les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, dont les planches ressemblaient de si près à celle de la place publique, après avoir longtemps souffert de leur concurrence, finirent par les engager dans leur troupe. Nous pourrions multiplier les exemples . Mais n’a-t-on pas vu suffisamment qu’on ne saurait faire l’histoire des bateleurs, sans toucher aux origines de notre art dramatique ?
Si dès lors les histrions, bateleurs et paradistes, n’occupèrent que des emplois inférieurs dans les théâtres royaux , les acteurs de grosses farces ne disparurent pourtant pas. Héritiers des jongleurs et ménetriers ambulants, ils travaillaient dans les carrefours, Paris n’ayant que très peu de place publique avant Henri 4. Il fit beaucoup pur eux en achevant le Pont neuf en 1604,commencé sous Henri 3 en 1578, Il avait été suspendu pendant les guerres civiles.
Il fut occupé sur le champ par les paradistes, les jongleurs et les charlatans. Brioché établit son théâtre de marionnettes dans une baraque qui faisait l’angle du quai de Conti , en face du Pont Neuf , et qu’on appelait le Château Gaillard. Une anecdote raconte que Cyrano de Bergerac passant sur le pont eu maille à partir avec une bande de laquais formant le public des amuseurs . Dans la bagarre le singe de Brioché s’en mêle et Cyrano prenant le singe pour un laquais dans la confusion l’embroche. Brioché intente un procès criminel à Bergerac, lequel riposte par des écrits facétieux ; il dit au juge qu’il paiera Brioché en monnaie de singe ; Brioché sera débouté et se verra même interdire de laisser vaguer le nouveau Fagotin, « crainte d’accident ».
Les marchands d’élixir, d’orviétan, de baumes pour les dents et pour les yeux, les charlatans de tout genre s’installèrent sur les trottoirs et dans les demi-lunes. Au beau milieu du pont, devant l’entrée de la Place Dauphine, en face du terre plein où plus tard s’éleva la statue de Henri 4, Tabarin dressa son théâtre en plein vent ; il était secondé par son gendre Gauthier-Garguille, par Mondor et quelques autres. Le Pont Neuf devint la promenade favorite des badauds. Les vaudevilles et refrains de Tabarin s’appellait les « Ponts Neufs ». Mais ils allèrent trop loin et en 1634 le parlement les chassa du Pont Neuf et renversa leurs planches.
En 1649, les libraires obtiennent un règlement interdisant les boutiques portatives et l’étalage.
Les parades sur le pont neuf n’eurent plus lieu que les jours de fête et les paradistes en troupe ne se montrèrent plus guère que dans les foires.
Ce fut après au tour du Palais Royal de continuer ses festivités. Puis plus tard sous le second empire, le pont des Arts et d’autres ponts.
Il n’y eut similitude d’expression et de moyens entre la comédie italienne et la pantomime muette qu’au début du séjour des acteurs italiens à la cour de Charles 9. Ils jouèrent d’abord à la muette parce qu’ils n’étaient pas en état de parler français. Mais leurs successeurs ne se privèrent pas dès qu’ils purent utiliser la parole. 100 ans plus tard ils avaient leur théâtre privilégié comme l’avaient les comédiens français.
Dès lors chaque fois qu’une troupe de saltimbanques et d’artistes d’agilité voulut choisir des pièces mimées, ce fut contre elle une levée d’interdictions. Les forains furent contraints, de gré ou de force, de s’en tenir à leur genre habituel, acrobaties, tours de force, danse de corde etc….
D’année en année, de foire en foire, les démêlés sont continus entre les spectacles forains où chaque artiste est un peu mime et les théâtres privilégiés où les acteurs parlent plus qu’ils ne s’agitent. Des danseurs peuvent danser sur la corde et non sur la scène ; ils peuvent chanter mais la tête en bas et les pieds en l’air ou montés en seconde ou troisième position sur les épaules d’un homme de force. Il n’est à cette époque, entre les troupes de comédiens établies à demeure et les compagnies d’acrobates qui les imitent, que différends, poursuites, saisies, condamnations, destructions de tréteaux et de loges, reconstructions illégales, appels à la jurisprudence et au roi, arrêts, sentences. Elles se multiplient, se complètent, se contredisent, ce qui incite les jongleurs et les danseurs de corde à persévérer dans des activités de bouffons et de mimes qui ne leur ont été jamais permises mais qui sont leur raison d’être et d’exister. Si les bouffons des places publiques déguerpissent rapidement pour éviter le pire, les troupes foraines qui s’installent à grand frais doivent céder. Alard qui se trouve à la foire St Germain de 1710, joue des « pièces à la muette ». Le public qui ne comprend rien réclame. Alard utilise alors des écriteaux explicatifs…
Plus tard, les entrepreneurs forains traitent avec l’académie royale de musique pour un privilège d’opéra-comique, privilège homologué enfin par un arrêt du Conseil de régence, en 1717.
Plus tard sous l’œil protestataire des comédiens italiens et français , des nouveaux spectacles s’ouvrent à Paris. Ils y présentent des acrobates, des jongleurs et des pièces plus ou moins mimées, plus ou moins dialoguées, c’est à dire des imitations de scènes plus ou moins connues avec des interprètes parodiant des types appartenant à toutes les conditions sociales.
Quand, au début de la révolution, les spectacles se multiplièrent sous le régime d’une éphémère liberté des théâtres, les acrobates et les bouffons qui n’avaient plus s’établirent dans une salle gardèrent les yeux fixés sur ceux d’entre eux qui, partis des spectacles de la foire, avaient gravi tous les échelons du succès.
Pour tous les faiseurs de tours, jouer la farce et la comédie, imiter, parodier, mimer, c’est s’élever dans la hiérarchie des amuseurs populaires. Mais les pouvoirs publics veillent et ce n’est pas toujours possible. En frimaire, an 11 , une farce de Romagnesi, Samson, tragédie comique en cinq actes et en vers, terminée par la destruction du Dragon qui n’est qu’un feu d’artifice, est interdite par le préfet, au théâtre des arts de Rouen, parce que sa place est sur les tréteaux du boulevard.
17ème et 18ème siècle, le lieu d’élection des forains est le pont neuf.
Les saltimbanques participent à toutes les fêtes. Après le sacre de Louis 15, parmi les divertissements qui lui furent offerts à Villers - Cotterêts figurait une foire où l’on vit un bohème attirer l’attention du roi et lui expliquer les différentes propriétés des secrets qu’il possédait et dont il lui remis d’ailleurs la liste. A partir de 1764, La foire St Ovide sur la place Vendôme ouvrit un nouveau champ d’action.
Ce n’est qu’au 18ème siècle que sont réinventés les cirques de la décadence romaine . On sait que les romains de la décadence complétaient leurs jeux du cirque par des présentations d’animaux dressés à des exercices d’équilibre, de sauts, et autres. De la même manière, c’est en incorporant des sauteurs, des acrobates, des danseurs de corde, des dresseurs à un spectacle reposant essentiellement sur les jeux équestres, puisqu’issu des tournois militaires, que Philippe Astley inventa en 1770, à Londres, le cirque moderne.
En 1774, Astley vient donner des représentations à Paris. Il s’associe, en 1783, avec un italien installé en France, Antonio Franconi, baladin, montreur d’oiseaux dressés. Franconi sera le père du cirque français.
En 1768 le cirque né , avec Philip Astley. Essentiellement basé sur des jeux équestres, il associe une compagnie de danseurs de corde, de sauteurs et même un clown.
Héritier des bateleurs du Moyen âge, les forains, en lui offrant certains de leurs numéros, ont apporté au cirque une partie de ses éléments constitutifs.
Ces « banquistes » conservent intactes les traditions héritées de nos ancêtres les saltimbanques. Suscitant notre admiration et notre étonnement, ils cherchent à nous faire oublier pendant quelques heures nos soucis. Cela aussi, ils l’ont légué aux gens du voyage qui promènent leurs cirques sur les routes du monde entier.
Le cirque dont les principaux numéros au début relevait de l’équitation et de prouesses acrobatiques à cheval, introduisit un jour un cheval savant et de là le dressage de différents animaux commença.
Les témoignages sont hélas rares sur ce qu’était leur vie en France tout au moins et avant le 18ème siècle. Il semble toutefois que depuis le Moyen âge ils avaient commencé à s’organiser et c’est chez eux également que le cirque allait trouver son deuxième élément constitutif : les exercices de force et d ‘adresse de ceux que l’on désigne désormais sous le nom générique d’acrobates (le mot est d’origine grecque et signifie « celui qui marche sur la pointe des pieds »). Non seulement la Grèce et Rome, mais la Chine et le Japon, l’Inde et l’Egypte ancienne ont eu leurs acrobates.
En Inde, les spectacles occasionnels ou réguliers étaient annoncés une semaine auparavant par un batteur de tambour qui parcourait la ville. Et pendant qu’à la cour, les nobles et les dignitaires se livraient aux spectacle raffiné des danses et des concerts, le peuple se divertissait à regarder les acrobates, les illusionnistes, les montreurs d’animaux dressés, les danseurs et chanteurs populaires. Les acrobates étaient des enfants de la balle ; une longue écharpe flottante était le signe de leur profession, comme pour les danseurs. Ils opéraient au son d’un orchestre dont les gros tambours oblongs portés en bandoulière, les flûtes aigrelettes et les clarinettes perçantes se mêlaient aux cris des bateleurs qui engageaient la foule à venir assister aux prouesses de leurs camarades. Un de leurs tours consistait à former une haute pyramide humaine, dont l’image nous a été transmise depuis le 2ème siècle av. J.C. sur un bas relief provenant de Bhârhout et conservé au musée d’Allahâbâd. Quatorze acrobates la composent ; sept d’entre eux, élevant les mains au dessus de leur tête, en supportent quatre autres ; ceux-ci tiennent à pleines mains les pieds et les chevilles de deux hommes qui soutiennent à leur tour un jeune garçon, sommet de l’édifice. Ce bas relief ayant orné la balustrade d’un monument bouddhique, on peut se demander s’il s’agit d’une représentation profane ou si cette troupe, tel le jongleur de Notre - Dame, venait distraire la personne du Boudha tout en lui faisant l’hommage dont elle était capable. Et l’on peut évoquer à son sujet les acrobaties encore exécutées par les comédiens populaires du Bengale actuel.
Acrobates aussi les danseurs aux javelots, jouant simultanément avec quatre ou cinq de ces armes dangereuses, les danseurs de corde, les équilibristes qui, retenus par des crampons fixés à leurs chaussures, se promenaient sur une perche en forme de T.
Les illusionnistes ne pratiquaient pas seulement devant la foule populaire mais aussi à la cour. Une crainte mêlée de respect les entourait, car ils prétendaient posséder une science égale à celle des « saints hommes », des ascètes (yogin). Leur tour le plus classique comme le plus apprécié –encore de nos jours- consistait à faire d’abord apparaître un manguier sortant d’un noyau ; l’arbuste grandissait à vue d’œil. Lorsqu’il avait atteint la taille d’un arbre, le maître prestidigitateur lançait une corde en l’air et elle semblait s’accrocher à l’une des plus hautes branches du manguier. La corde demeurant roide, un de ses comparses la saisissait et « montait dans l’arbre », disparaissant à la vue des spectateurs. Peu après, ses membres tombaient un à un sur le sol, où le magicien les rassemblait, leur redonnait la forme d’un corps humain qu’il aspergeait d’eau. Ressuscité, l’aide du « Saint homme » se paraît alors de fleurs et exécutait une danse.
Les mimes –danseurs avaient, eux aussi, autant de succès à la cour qu’à la ville. Une de leurs spécialités était la danse du mi- jeu, où seuls remuaient un pied, une main, un œil, un sourcil, une narine et la moitié de la bouche, tandis que le reste du corps demeurait rigide. Ce tour avait la réputation de provoquer le rire même chez les plus moroses.
Les montreurs d’animaux dressaient surtout des singes et des mangoustes, ces dernières étant destinées à lutter contre les cobras. Un autre spectacle aussi était fréquent dans les rues, généralement près d’un carrefour : un montreur d’images plantait deux bambous en terre, tendait entre eux une toile peinte et, armé d’une baguette, en commentait les illustrations ; celles-ci représentaient les combats mythiques, les dieux, divers schémas cosmologiques, des légendes.
Il y avait aussi les montreurs de marionnettes.
Non seulement le cirque n’a jamais abandonné les acrobates, mais leur rôle n’a cessé de grandir à mesure que leurs exercices devenaient plus spectaculaires.
L’antiquité formait déjà des sauteurs, les saltimbanques les ont conservés, les cirques leur ont donné une place prépondérante puisque, il y a une cinquantaine d’années, tous les artistes gymnasiarques des cirques ambulants étaient tenus par contrat de figurer au final et d’y exécuter des sauts périlleux désignés par les Italiens ou les Allemands sous le nom de salto mortale. En effet un saut de cette espèce, s’il est manqué, peut être mortel. Les banquistes d’antan s’y entraînaient dès leur plus jeune âge et très progressivement sous la direction de leurs parents, de leurs aînés ou de leur «père d’élève » (terme de métier par lequel on désigne un artiste qui enseigne le métier à un plus jeune).
Les acrobates en colonnes relève aussi de l’art du tapis. Les troupes marocaines actuelles descendent-elles des «Egyptiens » dont la tradition veut qu’ils aient été les réalisateurs des pyramides humaines dont un tableau de Guardi, «le doge assiste aux fêtes du jeudi gras », conservé au musée du Louvre, nous a, entre autres, laissé l’image ?
Il est intéressant de noter qu’aux Etats Unis, l’auberge ou inn resta longtemps un centre d’activité pour montreur d ‘automates, physiciens et prestidigitateurs, et autres attractions foraines.
En outre il ne faut pas oublier que, pendant des siècles, même les plus célèbres artistes – surtout des artistes ambulants – vivaient en marge de toute vie sociale. Ces raisons firent que ce monde constitua une sorte de franc-maçonnerie, et comme l’a d’ailleurs noté Henry Thétard, «nombre de ces banquistes furent affiliés aux Rose – Croix et à la franc-maçonnerie ». Il est intéressant de noter qu’en Angleterre, les music - houses et les petits théâtres, qui accueillaient des troupes ambulantes et des forains de tout genre, sont placés, en 1751, sous le contrôle du « Disorderly houses act », c’est à dire la loi concernant les maisons closes.
Impossible de reconstituer intégralement les annales de ces familles foraines : dispersion des documents à cause des longues étapes, orthographes variées et fantaisistes, habitude de nommer l’artiste par son prénom. Les renseignements peuvent venir de documents officiels (acte de naissance, décès, plaintes procès, privilèges, registres de foire).
L’adoption par les danseurs - acrobates, voire les mimes, des personnages de la comédia dell’arte profitait d’un autre atout : celui d’être immédiatement compréhensible dans n’importe quel langage, le public reconnaissant d’emblée chaque acteur et le mobile de ses actes.
Les hommes forts ou hercule deviennent d’importantes attractions foraines vers la fin du 18ème ; il auront leur apogée au cirque et dans les foires au Second empire ; ils jonglent avec des boulets de canon, soulèvent un char supportant une dizaine de personnes et un canon, ou bien soutiennent sur leurs muscles abdominaux un plancher où on pris place un cheval et des personnes choisies dans l’assistance. L’hercule Laroche soulevait sur son dos un char avec 16 soldats assis et un associé brandissant des drapeaux au-dessus-d’eux.
Le citoyen Danton : « Citoyens ! j’apprends qu’on veut empêcher les joueurs d’orgue de nous faire entendre par les rues leurs airs habituels , trouvez - vous donc que les rues de paris soient trop gaies. »
Il semble qu’au temps de la monarchie, le peuple ait voulu placer avec constance le théâtre de ses divertissements sous les fenêtres de ses rois : 1500, rue St Antoine (le roi est aux tournelles ) ; 16OO place Royale, 17OO pont Neuf, 18OO Palais Royal.
Il importe de noter au passage, que pendant des siècles, les différentes classes sociales ont été beaucoup plus mélangés qu’elles ne le seront par la suite. Jusqu’à Louis 16, la ségrégation est verticale, magasin au rez - de- chaussée, boutiquiers à l’entresol, gentils - hommes ou riches bourgeois aux étages nobles et artisans et ouvriers dans les combles. Mais les habitants d’un même immeuble peuvent se croiser dans les escaliers ou dans la cour, et il suffit de descendre dans la rue pour s’amuser au faubourg St Antoine ou à la Place Royale.
A la restauration, les boulevards intérieur de la Madeleine à la rue des Filles du Calvaire, le Boulevard du Temple qu’on appelle Boulevard du Crime à cause des mélodrames sanglants qu’on y joue, une demi-douzaine de théâtres s’y côtoient, ont récupéré les bateleurs, illusionnistes, escamoteurs. Les foires ayant pour la plupart périclitées. Sous des baraques de bois ou des tentes de toile, ils vont abriter leurs animaux curieux, leurs acrobates ou leurs phénomènes. A l’entrée des théâtres va se perpétuer la comédia dell’arte et le succès des arlequinades, avec Bobèche, Galimafré, Gringalet et Faribole.
C’est au 19ème siècle où l’on écrit l’histoire de l’histoire, qu’un intérêt soudain se fait jour en faveur des originaux de toute espèce, et que s’en dressent des nomenclatures. Dès 1811, Gouriet publie ses « Personnages célèbres dans les rues de Paris », qu’il classe en trois catégories : les personnages imitateurs, où l’on trouve des farceurs et des charlatans, mais aussi Cagliostro et Paracelse, sans parler d’un certain nombre de brigands de grand chemin ; des personnages d’imagination, qui appartiennent pour la plupart à la comédie italienne ; des personnages vivants enfin, parmi lesquels des petits marchands ambulants et des bateleurs, faiseurs de tours, équilibristes, etc., fort nombreux sur les boulevards.
Cinquante ans plus tard, Charles Yriarte, écrivain, critique d’art et dessinateur au Monde illustré, fait paraître ses célébrités de la rue, qu’il illustre avec le portrait de ses personnages. Dans la préface il rend hommage à son prédécesseur, dont l’œuvre, très curieuse et qui venait trop tôt, n’a pas eu le succès qu’elle méritait, et il ajoute ses mots : « Demain, il serait trop tard pour écrire un pareil livre : les ingénieurs sont venus, la cour des miracles est expropriée pour cause d’utilité publique. Adieu la gaieté de nos places, adieu les vêtements bariolés, les chansons étranges, les dentistes en plein air, les musiciens ambulants, les philosophes, les bâtonnistes, les maniaques, les visionnaires, les vielleuses, les bouquetières. Je vous jure, messieurs les édiles, que Paris s’ennuie ; il a la nostalgie du pittoresque. »
Le chariot de thepsis
Le décret de 1807 réduisant à huit le nombre des théâtres, et le règlement de 1807 organisant leur exploitation en province et leur assignant un genre déterminé, laissaient toute latitude aux troupes foraines de se multiplier, mais les obligeaient à se contenir dans la branche des spectacles dits de curiosité (funambules, danseurs de corde, illusionnistes, marionnettistes, etc.) dans lesquels aucun personnage « visible au public » ne devait parler. Nulle salle ne put, dès lors, ouvrir sans une autorisation ministérielle. Les « jeux forains » dont l’appellation s’applique aux troupes d’acrobates ambulants dépendent des autorités de police et des préfets, et ne doivent leur séjour momentané qu’à une tolérance de fait , révocable à merci. Tous les spectacles d’acrobates ont été supprimés.
Du temps de Napoléon les hommes orchestres et les artistes de rue , il y a toute une tradition sur les grands boulevards . Napoléon avait autorisé à ses soldats d’augmenter leur solde en faisant l’homme orchestre.
Les grandes foires furent, en Europe et jusqu’au milieu du 18ème siècle, une nécessité économique sans laquelle le commerce international aurait à peine existé. Le privilège d’organiser une foire, de prendre possession de son emplacement, de louer des échoppes aux marchands locaux et étrangers, aux opérateurs, charlatans et arracheurs de dents, aux limonadiers, aux restaurateurs et aux amuseurs en tout genre, était accordé par le roi, ou par un grand royaume, à un ordre religieux. En France, en Angleterre, en Russie , beaucoup accueillaient les gens du voyage. En Italie, dans les pays scandinaves et aux Pays Bas, les foires étaient moins importantes. Mais les théâtres italiens comme la Scala de Milan, engageaient des troupes foraines, particulièrement à l’époque du carnaval et du carême. Les théâtres bruxellois ouvraient également leurs portes aux gens du voyage.
A Paris, le spectacle de la foule d’amuseurs sur le Pont Neuf et aux alentours avait lieu toute l’année, jusqu’au moment où tout ce monde se transporta boulevard du Temple, célèbre par les spectacles de tout genre qu’il commença à attirer vers 1750. Mais les spectacles forains avaient à lutter contre les grands théâtres comme en Angleterre.
De même que les acrobates, les montreurs de marionnettes et d’animaux, les funambules, les faiseurs de numéro de force et d’adresse ainsi que les acteurs parlants, du simple valet de parade jusqu’à la compagnie complète de comédiens et opérateurs, les arracheurs de dent et charlatans sont particulièrement recherchés. Ces messieurs sont l’obsession de la faculté, bien que la médecine officielle, avant la dernière moitié du 18ème siècle, se distingue difficilement des procédés et remèdes charlatanesques. Dans les histoires du vieux Paris, on a relevé les noms d’innombrables curatifs prônés par la médecine foraine : baume, huile et même des remèdes antiécliptiques et anticométiques, contre les maladies prophétisées par les éclipses et surtout par la comète de 1664.
Les italiens jouissent alors, en tant que médecins (vrai ou faux) d’une grande réputation. Leurs spectacles prennent de l’importance au cours du 17ème siècle, et en 1760, le grand chorégraphe Noverre pourra écrire : « ……Les farceurs et les marchands d’orviétan comptent plus sur la vertu de leurs ballets que sur celle du baume ; c’est avec des entrechats qu’ils fascinent les yeux de la populace ». Ils prétendent avoir guéri les têtes couronnées de lointains pays ; un singe, souvent, accompagne leurs équipes, pour émerveiller de ses acrobaties la foule des badauds.
Le tableau de paris , de Mercier : chroniques du 18ème.
Forain : marchands et bateleurs de toute sorte qui fréquentent les foires. La véritable étymologie c’est foras qui signifie «qui est étranger, qui vient du dehors ». Si haut qu’on remonte dans l’histoire, on trouve en effet, chez tous les peuples, des individus isolés ou même des groupes d’individus, impatients de toute règle et de toute contrainte sociale, qui usent leur vie à voyager de pays en pays, s’arrêtant à peine quelques semaines au même endroit pour exercer une industrie primitive (forge, étamage) ou donner des spectacles rudimentaires. Ou qu’ils aillent ils sont toujours du dehors ; ils sont toujours des étrangers, avec leurs coutumes bizarres, leur insouciance fataliste, leur horreur du travail régulier, leur irrespect du bien d’autrui, leur amour du bruit, des oripeaux, du clinquant. Ils parlent toutes les langues, s’assimilent toutes les civilisations ; ils n’ont point de patrie, point de home. Leurs villes sont des bourgades de toiles, de mâts, de chariots, de planches, qu’ils élèvent et qu’ils détruisent en peu d’heures. Ils sont bien les descendants ataviques des races qui, aux premiers âges de l’humanité, parcouraient, sans autre but que l’attrait de l’inconnu, les forêts immenses et les steppes désolés avec leurs tentes et leurs bêtes.
Dans l’Inde, rien de plus commun, depuis des temps immémoriaux, que les jongleurs vagabonds, les ménétriers errants faisant danser sur un rythme étrange des fillettes lascives, les charmeurs de bêtes, les danseurs du diable, les diseurs de bonne aventure, les thaumaturges, les vendeurs de recettes contre toutes les maladies. Terre classique de la magie, berceau des sciences occultes, l’Inde a produit naturellement le merveilleux comme une des fleurs prodigieuses de son sol, dont les effluves semblent s’être répandus sur le monde en suivant de mystérieux courants.
Il convient de remarquer qu’il n’existe pas un peuple du voyage mais deux : Les banquistes et palquistes d’une part, les romanis d’autre part. Les premiers précèdent les romanis pour ce qui est de l’exploitation du spectacle ambulant. Les premières traces d’un peuple du voyage remonte à l’antiquité. Les jongleurs, bateleurs et danseurs de corde qui se mettent à parcourir l’Europe après la chute de l’Empire romain, sont les premiers banquistes. Qui sont-ils ? d’après Henry Thétard, des gens extrêmement divers : des amateurs de liberté et de vie errante sans doute –quel que soit le prix de cette liberté- des gentilshommes ruinés- et on pense à quelques belles légendes dont celle du Capitaine Fracasse – vraisemblablement quelques filous en rupture de justice et qui trouvaient dans la vie du voyage la possibilité de s’exiler tout en continuant à fréquenter la société et en étant à l’abri de la police.
Les saltimbanques conciliaient souvent l’art et la vente : Pradier, le bâtonniste, s’intitule le premier jongleur de cannes de l’Europe ; c’est pourquoi les tambours majors regardent ses évolutions avec envie ; il a à son répertoire le tour de cannes, des assiettes, des saladiers, du petit et du gros gobelet, le paratonnerre, le fléau, la pique et ses douze anneaux, la carte volante et enfin ses six principes pour mettre l’argent dans sa poche, qu’il a exécuté devant Napoléon 3, lequel lui a accordé le monopole de la place de la Madeleine. Quand il a terminé ses tours, Pradier offre aux spectateurs pour les remercier 3 numéros de loterie.
Mangin, le marchand de crayons, apparaît à la foule dans un char étoilé, le chef couvert d’un cimier scintillant au soleil, cependant que son acolyte vert de gris, taquine l’orgue de Barbarie. Avec des façons de charlatans, il harangue l’assistance, la subjugue, prépare ses effets, fait durer les silences. Son boniment terminé et ses crayons vendus, Mangin ôte sa cuirasse, sa robe d’or et de brocart, son casque, et, descendant de sa voiture, vêtu cette fois comme un notaire, se dirige vers le marchand de vin voisin.(19ème )
En avançant dans ce travail, nous ne pouvons oublier que bateleur a de nombreux synonymes, qui ne remplacent pas il est vrai ce mot, mais qui en sont comme autant de rameaux vivaces, ayant chacun une existence reconnue, et que faire ici de l’histoire du groupe tout entier, ce serait empiéter sur certains mots qui réclament de nous une mention spéciale. Renvoyons à baladin, charlatan, farceur, opérateur, parodiste, etc…..l’ensemble de ces articles formera réellement l’histoire du batelage, complétée encore par la biographie particulière de tous ces joyeux compères qui ont conservé parmi nous la tradition du rire et de l’esprit gaulois, tel que Bruscambille, Gauthier garguille, Gros guillaume, Turlupin, sans oublier les Barry, Les Bobèche, Les Galimafré, les Mondor, Les Tabarin, Les Taconnet et autres pitres, saltimbanques, grimaciers, diseurs de sornettes, grands hommes du ruisseau et de la place publique, passés maître en l’art de la bouffonnerie, de la parodie, de la hâblerie, dont la liste immense débute avec le monde et se terminera avec lui, si toutefois les règlements de police ne s’y opposent. Hélas ! et d’un mot nous voilà triste, quels temps peu propices aux comédiens de la place publique sont les nôtres ! Aujourd’hui que tout est réglementé, administré, patenté, les libres paroles n’éclatent plus, salées et pimentées, comme jadis, sur la place publique ou sur les champs de foire. Ombres de Grattelard, de Gilles le niais, de Padelle, de Jean Farine, de Gringalet, de Guillot-goriu, de Goguelu et de tant d’autres, voilez-vous la face, vous ne pourriez plus aujourd’hui grâce au progrès, rien trouver à dire de spirituel sur nos modes, nos préjugés et le reste. On a fait de nous des demi-dieux, alignés au cordeau, dont vous ne trouveriez rien à dire ; nous sommes parfaits et vos épigrammes s’émousseraient sur le tricorne des agents de la force publique , qui n’entendent plus raillerie. D’ailleurs, on a exproprié pour cause d’utilité publique, tous ces bons endroits où vous faisiez merveilles ; on a macadamisé le pont neuf et jeté bas les halles- les halles où Herpinot brillait devant la populace grouillante. Où sont maintenant les foires St Germain, St Ovide, St Laurent ? La foire du St Esprit, qui se renouvelait tous les lundis sur la place de la Grève, et la foire de Bezons, où l’on allait en partie fine ;la foire St Clair, qui s’échelonnait le long de la rue St Victor, celle que ramenait le 24 août devant les galeries du palais de justice, et tant d’autres où toute la confrérie de bohème, que l’on écoutait à gueule bée, déployait ses plus fiers oripeaux, ses plus éclatantes fanfares et ses coq à l’âne à tout rompre, dites, où les retrouverez-vous ?et ces pages, clercs, écoliers, laquais, archers, filous , bourgeois, tireurs de laine, chambrières, gentil - hommes, grisettes, poètes crottés et académiciens, toujours prêts à vous ouïr, toujours avides de vos grimaces et de vos saillies, Où sont-ils ?…..Le dernier des vôtres a risqué une dernière allusion qui vous en dira bien sûr assez : « Les rassemblements au nombre de plus d’un sont interdits. » Et puis , si vous reveniez , ô farceurs de génie, dont le vent dispersait chaque jour les étincelles, il vous faudrait faire viser votre esprit huit jours d’avance par la commission d’examen, et vous munir d’une médaille frappée à la rue de Jérusalem……..Un siècle chasse au loin ce que le siècle précédent admirait.
Les mœurs changent, le langage s’épure, dit-on parce ce que la verve s’en va : l’argot s’étale, il est vrai, comme un chancre rongeur sur l’idiome sensé et coloré des ancêtres ; mais le mot gras, le mot salé, le mot concis, plein et robuste, qui va droit au but et dit ce qu’il veut, ce mot de la farce, engendré d’un jet au pays de batelage ; ce mot plantureux, qui renferme toute la sève nationale, ce mot atteint d’atrophie et de chlorose, s’est mis en quarantaine. Nos pères ont vu et applaudi les derniers bateleurs dignes de ce nom, en la personne du père Rousseau, de Louis le Borgne, de Gringalet, 2ème du nom, de Faribole, de Bobèche et de Galimafré lesquels furent plus particulièrement des parodistes, variété du genre bateleur. Nous avons vu, nous par grâce dernière, quelques charlatans, le marchand de crayons Mengin et le dentiste Duchesne ; mais c’est la menue monnaie des célébrités du Pont Neuf. L’inventeur de la poudre personne, le grand Miette a été de nos jours, le seul héritier de toute cette joyeuse bande dont Tabarin est l’aïeul : l’ombre de Brioché lui avait souri.
Donc l’art du batelage est tellement dégénéré, qu’on est presque tenté d’affirmer qu’il a disparu. Quelques rejetons de cette végétation sauvage qui a préparé notre théâtre et vécu ensuite à son ombre se montrent encore, les jours de fête sur la place publique de nos petites villes; ces jours là quelques familles de saltimbanques font avec la permission de M. le Maire, sonner le porte voix et grincer les cymbales ; ces saltimbanques nomades , derniers et obscurs vestiges d’une race curieuse et forte, forment encore une classe nombreuse, qui comprend toutes les variétés autrefois désignées sous le nom générique de bateleur tels que : bouffons, pitres, paillasses, faiseurs de tours, écuyers, jongleurs, escamoteurs, danseurs de corde, charlatans, monteurs d’animaux etc…Ordinairement très malheureux nos modernes bateleurs vivent au jour le jour, travaillant isolément ou réunis en troupe sous la direction d’un entrepreneur……
Autrefois le saltimbanque était le propriétaire le plus riche de la capitale ; toute les places de la grande ville lui appartenaient ; il y campait, il y installait ses pénates, il y dormait et la nuit si l’envie lui en prenait, il pouvait se livrer à des rêves sardanapalesques et se croire transformé en marquis de Carabas. Quand il voyageait, plus heureux que Danton, il emportait sa patrie à la semelle de ses brodequins. Depuis 10 ans les choses ont changé les places publiques ont été transformées en squares où la population respire le soir un air purifié. Y avons- nous gagné ? Hippocrate dit oui, mais Galien dit non. Et le grand dictionnaire quoi qu’il est dit plus haut dans un accès de sentimentalité, est de l’avis d’Hippocrate.
Nos anciens saltimbanques seraient à l’origine de biens des choses le théâtre, l’opéra, le music-hall, le cirque.
En somme, depuis l’origine jusqu’à nos jours, les forains n’ont guère varié leurs exercices, et c’est toujours la même énumération monotone qu’il nous faut reproduire, comme si la foule de tous les temps était identique et s’amusait des mêmes spectacles simples et enfantins.
Et cela est vrai des pays les plus différents comme mœurs et comme climat. Ainsi au Japon et en Chine, on retrouve tout comme en Europe les hercules qui jonglent avec des balles de riz au lieu de poids, ou forment des pyramides humaines, les lutteurs, les jongleurs, les prestidigitateurs, les équilibristes, les diseurs de bonne aventure, les astronomes populaires, comme aussi les marchands de mort aux rats, de beignets, de glaces frites, de confiseries.
C’est toujours l’attrait de l’inconnu qui nous pousse, le désir de contempler une chose rare, l’ambition de dérober au destin son secret, et les multiples déconvenues ne nous découragent point. « Enferme 20 pieds carrés d’un rouleau de toile et publie seulement que tu caches une merveille, tout le monde la voudra voir. » (E. Ourliac.) C’est sur ce sentiment bien humain que spéculent beaucoup de forains, et ils en profitent pour ne nous rien montrer.
Le cinéma remplaça les grandes foires foraines, les numéros qui s’effectuent dans les baraques du boulevard ou au music hall peuvent être vu sur l’écran.
Au début du 20ème siècle fourmillait tout un tas de pauvres gens qui exerçaient des métiers de misère. Ces gens là vivaient de la rue et peuvent être admis dans la grande famille des bateleurs.
Chaque génération a eu son homme orchestre, avec sa flûte de pan fixée au menton, son chapeau chinois à grelots sur la tête, sa grosse caisse sur l’abdomen, sa mandoline dans les mains et ses cymbales entre les genoux ; suivant les époques, le costume connaît des variantes : le pipeau ou le double flageolet remplacent la flûte, une petite harpe se substitue à la mandoline ; parfois aussi une cantatrice compose la partie vocale du concert. Quant à l’homme à la clarinette, tout son art consistant à faire en sorte qu’on l’en dispense ; on raconte ainsi l’histoire de cet industriel du macadam qui a l’habitude de s’arrêter devant un café plein de monde et fait mine de porter à ses lèvres le bec d’une énorme clarinette, aussitôt, les consommateurs épouvantés se hâtent de lui jeter quelques monnaies.
Faisons un petit tour du monde et du temps :
Les adeptes de la confrérie des ‘Aïssaoua en Algérie, dans une cérémonie pour la fête patronale, les spectateurs assistent à la séance qui se déroule en deux parties. La récitation de l’office et les exercices, séparés par une pause.
Nous parlerons de la seconde partie, la danse extatique. Quatre hommes se lèvent et se mettent à danser en se balançant de droite et de gauche, le torse et la tête penchés en avant. Ils évoluent d’abord lentement, puis avec une rapidité plus grande, entre l’orchestre composé de flûtistes et de joueurs de tambourin et un brasero sur lequel ont été placés des sabres à double tranchant, des tiges de fer pointues et de longues épingles d’acier.
A un certain moment, les spectateurs, plus ou moins impressionnés, remarquent un homme qui saisit un sabre rougi au feu, le fait tournoyer, puis se le passe sur le ventre, sur la gorge, tandis que d’autres initiés se laissent enfoncer des épingles dans les muscles des épaules, des bras, du ventre, dans les lèvres, les joues et les oreilles. Au bout d’un instant, le chef de la confrérie qui assisté de quelques desservants, dirige la cérémonie retire les fers, passe le doigt sur la blessure instantanément cicatrisée. Ils voient également d’autres danseurs se précipiter vers le brasero, en retirer un charbon ardent et le porter à leurs lèvres, danser ainsi pendant quelques secondes, puis s’abattre, secoués de frisson, la tête contre terre. Brusquement, les tambourins qui ont accompagné tous ces exercices, cesse de battre. Les danseurs restent couchés ou s’assoient. Alors ils entonnent un chant grave et confiant qui ressemble à un hymne de délivrance, de triomphe.
En Birmanie, au Cambodge et au Laos excitait des troupes ambulantes. Jongleurs, acrobates, funambules, montreur d’animaux, conteurs, acteurs nomades divertissaient au Japon. Les Japonais en étaient très friands et le sont encore.
A Rome, les jeux scéniques se confondaient avec les jeux de l’amphithéâtre, exhibitions de funambules ou de prestidigitateurs.
Au Moyen Age, la représentation qui se déroulait primitivement devant l’autel lui même, puis s’est transporté sur le parvis, devant le portail ou le narthex, ou encore sur la place publique, exigeait une participation de l’auditoire en ce sens qu’on s’adressait à son imagination.
Les automates et la prestidigitations se combinent souvent, avant qu’au 18ème siècle s’ajoutent aux répertoires les découvertes de l’électricité et les expériences des physiciens. Les automates sont déjà bien connus en 1722 : le jugement universel mêle androïdes et figures peintes sur le boulevard du temple et le Turc mécanique sert des épiceries au comptoir, à la foire St Germain.
La physionomie de la ville jusqu’à la moitié du 19ème siècle sera consacrée à ces plaisirs de plein air, jusqu’à ce que le prix du terrain nécessite d’autre rentabilité. Au milieu de ces jardins, s’élevait un café. Le Tivoli, dans un décor de treuillages, propose des funambules, acrobates, charlatans, écuyers, danseurs tandis que les spectateurs consomment. Au centre il y avait une piste de danse.
Les ancêtres des jongleurs ? les mimes et les histrions que la chute du théâtre vers le 5ème siècle, avait privés de leur emploi, et les bardes ou « harpeurs » germaniques attachés aux armées ou à la personne des princes.
Les jongleurs chantaient, en s’accompagnant d’un instrument de musique (surtout la vielle), des poésies lyriques ou épiques (chansons de geste). Plus tard, ils récitèrent des poésies badines (fabliaux). Ils étaient aussi acrobates, montreurs de bêtes savantes, etc. Ils animaient les tournois.
( Les saltimbanques célèbres du 18ème et 19ème voir le livre de Jacquin)
Les funambules existaient déjà du temps des romains. L’art des danseurs de corde remonterait même à l’an 1345 avant Jésus-Christ. On cite des funambules qui sont restés célèbres. Le fameux Archange Zuccaro, qui a donné des règles à la funambulie sous le règne de Henri 3 et Henri 4. Blondin, traversant les chutes du Niagara.( Jacquin p. 76 à 81)
Le mime : On suppose que l’inventeur de cette forme théâtrale fut le poète grec Sophron, de Syracuse (environ 5ème siècle). Littérairement le genre ne se distinguait de la comédie que par la familiarité du style et de la langue, le nombre des personnages réduit à l’essentiel, deux ou trois, qui reprenaient en les amplifiant, en les ridiculisant, les travers de leurs contemporains.
A Rome le mime changea de formes et de contenu. La peinture de mœurs y prit plus d’importance.
En parlant peu, ou pas du tout, les mimes échappaient à des sanctions qui les eussent empêchés d’exercer leur profession
Acrobate : 18ème, emprunté du grec akrobatos, dérivé de akrobatein, «marcher sur la pointe des pieds. »
comme on pourra en juger par le spécimen suivant : « Otez vos chaperons, tendez les oreilles, regardez mes herbes que madame envoie en ce pays et en cette terre ; et pour ce qu’elle veut que le pauvre en puisse avoir aussi bien que le riche, elle me dit d’en faire bon marché, car tel a un denier en sa bourse qui n’a pas cinq livres. Et elle me commanda de prendre un denier de la monnaie qui aurait cours dans la contrée où je viendrais. Je les donne aussi pour du pain, pour du vin à moi, pour du foin, pour de l’avoine à mon cheval, car qui sert l’autel doit vivre de l’autel. – Et j’ajoute que s’il y avait quelqu’un de si pauvre, homme ou femme qu’il ne pût rien donner, qu’il vienne à moi, je lui prêterai l’une de mes mains pour Dieu, l’autre pour sa mère, à condition que d’ici à un an il fasse chanter une messe pour l’âme de ma dame. Ces herbes, vous ne les mangerez pas, car il n’y a si gros bœuf, ni si vigoureux destrier qui ne mourût de mâle mort, s’il en avait seulement gros comme un pois sur la langue, tant elles sont fortes et amères ; mais ce qui est amer à la bouche est doux au cœur. Vous les mettrez dormir trois jours dans du bon vin blanc ; si vous n’avez pas de vin blanc, prenez du vermeil, et, si vous n’avez pas de vermeil, prenez de la belle eau claire, car tel a un puits devant sa porte qui n’a pas un bon tonneau dans son cellier. Vous en déjeunerez pendant treize matins. C’est en cette manière que je vends mes herbes et mes onguent ; celui qui en voudra qu’il en prenne, et celui qui n’en voudra pas qu’il les laisse. » (Rutebeuf). Nous avons supprimé à dessein les quolibets énormes et les obscénités qui agrémentent ce discours. Enfin il y avait les menestrandies, véritables bandes organisées, comprenant des poètes, des musiciens, des saltimbanques, des farceurs, des chanteurs, qui faisaient des tournées sur tout le territoire et à l’étranger.
Un jongleur n’était-il pas ou poète, ou saltimbanque, ou musicien ? et encore « Pour quelle époque la définition vaut-elle ? Convient-elle à tout le Moyen _ âge ? Ou bien faut-il la réserver à un instant particulier de l’histoire ? »
Nous adopterons comme définition provisoire jongleurs tous ceux qui faisaient profession de divertir les hommes.
Les jongleurs naissent quand commence le moyen âge vers le 9ème siècle et les mots joculares
et joculatores apparaissent dans le latin des clercs. Mais est-ce à dire que la chose naissant seulement avec le nom, les jongleurs n’ont pas existé antérieurement ? Ces jongleurs n’ont pas paru un beau jour à l’improviste. Si le soin de pouvoir à des intérêts immédiats et urgents leur avait parfois laissé le loisir de songer à leurs ancêtres, ils auraient pu, autant que marquis, comte ou duc, en citer de fort anciens et de fort prisés.
L’abbé de la Rue prétendait que les jongleurs étaient en gaule les successeurs des bardes, transformés par le christianisme et continués sous une autre dénomination. D ‘autres théories mieux fondés, mettent ces mêmes jongleurs en rapport tantôt avec les anciens chanteurs germaniques, tantôt avec les anciens mimes latins.
Parlant de l’agrément que les gens de guerre trouvaient à la poésie épique, G. Paris écrit : « A l’origine, plus d’un de ces hommes d’armes composait sans doute lui-même et chantait ces chants épiques ; mais de bonne heure il y eut une classe spéciale de poètes et d’éxécutants. Ces hommes, héritiers en partie des scopas francs, s’appelèrent en français joglers….comme les musiciens ambulants et faiseurs de tours légués à la société nouvelle par la société gréco-romaine. »
Les jongleurs sont héritiers des scôps en tant qu’ils sont des poètes et des chanteurs épiques. « Les poèmes plus longs et plus exactement narratifs, écrit G. Paris, étaient faits et chantés par des hommes dont c’était la profession. Cette profession existait chez les Germains ; nous en connaissons au moins le nom anglo-saxon (scôp). En Gaule, ce furent les joculares ou joculatores qui prirent la place de ces chanteurs d’épopées. Les jongleurs étant, pour une des parts les plus brillantes de leur activité, les auteurs et les propagateurs des chansons de geste, le problème de leur naissance n’est pas autre que celui de la naissance des épopées. Nées dans les combats, échos des antiques conquêtes, elles ont eu leur berceau au milieu des armées. Les soldats chantaient des cantilènes, où ils célébraient les exploits des chefs et la gloire des batailles : plus tard , assemblées, organisées, ces cantilènes formèrent les premiers récits épiques.
Ainsi pour faire des jongleurs les successeurs des scôps, il ne suffit pas de dire que les uns et les autres chantaient des épopées. Il reste à se demander si, indépendamment des rapports extérieurs, des rapprochements généraux, théoriques et littéraires, on peut alléguer des faits, qui prouvent des scôps aux jongleurs une filiation, une succession réelle. C’est à quoi il faut répondre par la négative, étant donné ce que nous savons des anciens scôps.
C’était un usage très ancien parmi les peuples germaniques de célébrer par des poèmes la vaillance des héros : mais ces poèmes, dont la forme est tout à fait inconnue, étaient chantés par des chanteurs guerriers et non par des chanteurs de profession. Ces derniers paraissent pour la première fois chez les Goths, à une date où ils sont encore ignorés des francs. Mais aux environs du 6ème siècle, l’institution quelle qu’en soit l’origine, s’est propagée dans toute l’Europe occidentale. A partir de ce moment, des poètes, qui exécutaient eux-mêmes en s’accompagnant d’une sorte de harpe, se mettent à voyager de cour en cour en offrant leur service. Les anglo saxons les appelaient des scôps.
Donc qu’ils chantaient en s’accompagnant d’un instrument de musique ; qu’ils le faisaient pour un public et qu’ils s’employaient volontiers auprès des grands, qu’ils menaient une vie voyageuse, qu’ils étaient l’ornement des fêtes, qu’ils célébraient ordinairement dans des poèmes la bravoure des hommes de guerre, voilà les traits par lesquels les scôps et les jongleurs se ressemblent. Mais à condition d’affirmer qu ‘au même titre ils sont les parents des aèdes de la Grèce homérique et des griots de l’Afrique nègre.
Si le jongleur a un passé c’est en regardant vers Rome, vers les pays de mœurs latines.
Forains : bateleurs de la foire. Nom donné spécialement aux acteurs des théâtres de la foire, par opposition aux acteurs de la comédie française qu’on appelait les romains, à cause des sujets des tragédies empruntés en grande partie à l’histoire humaine.
Tauromachie ou les premiers acrobates : 18 siècles avant l’ère chrétienne, en Crète, le vase de stéatite découvert à Haghia Triada, les fresques des palais de Cnossos et de Phaïstos, les pierres gravées et les coupes exhumées par les archéologues offrent de nombreuses représentations d’adolescents qui feintent, sautent ou renversent des taureaux sauvages. (Peuple de l’époque égéenne).
1968 : devant les difficultés incroyables rencontrées par les artistes de toutes expressions pour travailler librement, la rue redevient le lieu de théâtre idéal, où le contact avec le public est direct. Elle retrouve ses lettres de noblesse. Le populo voit renaître sous ses fenêtres, à sa porte, sur ses pavés usés, dans ses cours et ses jardins, ses squares et ses places, le spectacle vivant.
Les spectacles ne s’introduisent que fort tard dans les foires où ils vont prendre le relais des soties médiévales.
Les historiens les font remonter au 1er siècle de la monarchie à une époque où le commerce ne se faisait que par caravane. Les marchands méprisés par les gens de l’église et souvent pillés par les seigneurs sur les terres desquels ils passaient , avaient à leur suite pour se concilier les habitants des villes, des bateleurs , des musiciens et des farceurs.
1595 les premiers comédiens s’établissent dans les foires où ils se placent sous la protection d’anciennes franchises .
Les romanichels précurseurs de nos modernes banquistes car ils fournirent en partie nos premiers saltimbanques .
Le forain est avant tout un commerçant , à moins qu’il ne soit un artiste . Acrobate et jongleur sont des artistes chacun dans son genre . Soit mais en ce cas encore alors même qu’il ne vend rien , les talents de celui ci sont en quelque sorte une marchandise et cette marchandise là plutôt que de la produire dans un établissement stable , il préfère à l’aventure l’exploiter à ses risques et périls en gagne petit .